De passage sur Terre

  • Créateur du sujet Créateur du sujet jul29
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A

Anonyme

Invité
A la manière des différents fils d'écriture qui sont présents sur le Bar, je vous propose ici un petit "exercice de style".

DE PASSAGE SUR TERRE...​

vous propose d'évoquer en un petit texte vos sensations, souvenirs, rêveries, expériences... dans un lieu donné à un moment donné.

Pour ceci 3 contraintes sont posées :

1 - Ecrire au présent l'indicatif.
2 - La qualité intrinsèque du lieu importe peu : peuvent se côtoyer le banal comme le pittoresque, le proche comme le lointain, l'inédit comme le neutre. Pas forcément "d'événement" non plus. Cela peut n'être qu'une sensation diffuse. C'est à vous de décider. :cool:
3 - L'important étant de mettre en avant la sensation en un lieu donné à un moment donné, on évacuera autant que possible toute référence géographique ou particularité locale clairement explicite... même si ce n'est pas toujours facile !
Exemples:
- Si le lieu est un "môtel", effectivement c'est ainsi et on ne peut pas le changer. Par contre si vous voulez écrire "dans l'Illinois", cela pourrait devenir : "dans cet Etat du pays".
- Les particularités culturelles peuvent aussi être évoquées mais sans en dénommer l'origine. Exemple : "comme il est d'usage en Afrique du Nord" pourrait devenir "comme il est d'usage sur cette partie du Continent".

Voici ma prose.

Alors que l’hôtesse des lieux s’efface pour me laisser entrer, mon premier pas dans la chambre en fait vibrer le plancher. Machinalement je baisse les yeux. En l’espace d’un instant je considère ma lourde chaussure de terrain ; son épaisse semelle, son cuir maculé de boue et encore humide de la pluie de la journée. Le sol est d’une propreté impeccable, comme tout le reste d’ailleurs. Je suis gêné comme un souillon de coureur des bois. J’esquisse un vague mouvement de repli. Mon pied revient timidement en arrière.
La chambre est spacieuse, meublée avec simplicité. Les murs sont en pierre apparente, de cette belle pierre jaune-crème du pays. L’hôtesse m’explique qu’ici c’était une ancienne grange, au volume impressionnant comme elles le sont souvent dans ce pays où l’hiver sait se faire aussi mordant que long. Il m’est demandé si je n’ai besoin de rien d’autre. Non. Merci. Je referme la porte et, pas même encore dévêtu de mon manteau de pluie, du bonnet et de l’écharpe, je m’assied sur une chaise tout près de la porte pour y délacer mes gros souliers.
 
Je suis à l'appartement, au dernier étage de la tour. Debout sur le seuil de la porte vitrée dont les battants sont grand ouverts, je regarde les lumières de la ville. Il n'est pas loin de trois heures du matin, mais je n'ai pas sommeil. Je sens la fraîcheur de la nuit sur mon visage et je trouve cela agréable. Je pense à tous ces gens endormis sous mon regard, à ceux qui baisent, à ceux qui s'aiment, à ceux qui font la fête pour oublier, pour s'oublier, à ceux qui s'entre-tuent, à ceux dont les yeux vides cherchent un impossible sommeil sur l'écran du téléviseur, à ceux qui marchent dans les rues désertes ou qui, comme moi, rêvent les hommes dans la nuit. Je suis surpris de me sentir si calme, si bien. J'ai l'impression étrange, inexplicable et un peu ridicule de veiller sur eux tous, de les aimer soudain presque aussi violemment que le jour me les rend haïssables, comme on s'attendrirait sur un enfant insupportable dans l'abandon de son sommeil.
 
En entrant, j’examine la pièce de forme hexagonale où je loge depuis deux ans et m’émeus encore. J’ôte mes sandales lourdes de sable, ferme la porte-moustiquaire, puis me laisse envahir par une forme d’intimité que je n’ai connue que très rarement. La nudité des lieux m’apaise. Le murs récemment chaulés de blanc et la plafond protégé de plastique bleu donnent un air de fraîcheur. Pourtant, dans ce lieu torride, peu de choses: ni eau courante, ni électricité. Deux fenêtres permettent heureusement d’y faire entrer l’air.

Au centre de la pièce, un simple lit est posé, et une magnifique table bizarrement trop longue, taillée d’un beau bois anoblie l’espace. Elle me sert à la fois de table à manger et de bureau, et en la regardant comme chaque soir, je me sens enfin chez moi. Je la caresse, objet somptueux, dans cet espace rudimentaire.

Par terre, quelques tapis colorés égaillent l’endroit et me donnent le goût de m’y étendre, tout comme on a l’habitude de le faire, par ici. Je résiste à la tentation, vu les cafards et les fourmis qui font leur chemin, de temps en temps.

À l’extérieur, pendouille entre deux piquets un hamac tressé à la main. Je sors vers la fraîcheur de la nuit, avec une coupe de Bordeaux tout chaud, et vais m’y balancer, en regardant le ciel, pour vérifier que la lune est bien couchée sur le dos.
 
La lumière se diffuse dans la pièce, les stores perméables, témoins de l'âge de la demeure, ne font plus leur office, sauf par jour de grandes pluies

Le lit, grand spacieux, hors norme par la hauteur, remplit toute la pièce, et ne laisse que peu de place, aux deux armoires normandes qui lui tiennent compagnie. Une porte en verre délimite la frontière entre les deux uniques pièces du meublé. Partout contre les mures, les photos du locataire précédent, sa famille, ses chiens, et cette odeur que le tabac n'efface pas, qui revient sans cesse.

Tout ici est imprégné de la vie de mon prédécesseur, comme une ombre qui me suit partout. Je devine petit à petit les événements qui ont eu lieu ici. Une lettre, un carton, une chaussure, un vêtement, me racontent une histoire.

J'ai transporté me vie dans cette appartement. Elle côtoie à présent celle d'une autre. Si différente, jamais complémentaire. Petit à petit , l'ombre s'allie au mures, les tapis rejoignent les meubles. La télé d'un autre temps se fige sur le mire, les figurants de la vie passées me signifient à présent que je ne suis pas le bien venu..

Le balcon m'offre l'asile le temps d'une clope, ma lassitude m'empêche de faire un pas en direction de ce passé que je devine, qui me repousse ..

Je ferme la porte, devant l'ascenseur qui arrive, j'entends le chien du voisin, compagnon de jeu de l'ancienne maîtresse des lieux..
Je met les clés dans la boîte, le hall est froid .. je part ..
 
En fait je suis surpris de ne pas l’être.

Cela fait bientôt deux heures que je reprends mes esprits dans le hall de l’aéroport après cet interminable trajet long-courrier. Je me prends à tout reconnaître comme à travers le hublot lors du survol d’approche de piste : immensité du bâtiment de l’aéroport, plan rigidement orthogonal des extensions urbaines dévoreuses d’espace, silhouettes des gratte-ciel du centre-ville se découpant dans le contre-jour d’un ciel plombé, par delà l’étendue désertique qui le sépare du terminal aérien.

Et c’est pourtant ma première visite dans ce pays. Aucun dépaysement. Exit l’exotisme. Je suis en pleine vérification ; et tout se confirme. Comment qualifier ce sentiment ? Le terme de “déjà-vu” s’y applique mal car il désigne un état psychique où le familier se pare soudain d’une inquiétante étrangeté. Plutôt du “déjà-connu”.

Des adolescentes obèses mangent des frites et de la crème glacée sur le banc d’à-côté. Il est quatre heures de l’après-midi. Un homme noir gigantesque regarde une vidéo sur un lecteur portatif, de gros écouteurs à l’oreille. La police de l’aéroport passe et repasse : uniformes bleu marine, hautes casquettes, ceinturons clinquants, plaques en bronze sur la chemise. Au-dehors, sur les aires de parkings, des files ininterrompues de gros véhicules 4x4 au stationnement.

Ce que l’on vous raconte quant aux procédures d’arrivée sur ce sol est juste. A la douane, en découvrant votre nationalité, les agents vous demandent si vous avez dans vos bagages des denrées fraîches ou des conserves de foie gras. Des affiches expriment clairement un protectionnisme revendiqué haut et fort. Je sais maintenant pourquoi je n’ai pas mangé ma dernière pomme dans l’avion. Pour vérifier. Est-ce bien comme cela que çà se passe ? Oui c’est bien comme cela : confiscation immédiate du fruit.

A l’attendu succède l’attendu. Et je me rends compte alors à quel point ce pays nous abreuve de sa propre imagerie. Quand bien même l’on cherche à prendre ses distances avec ses productions mass-médiatiques les plus crasses, on n’y échappe jamais complètement. Notre propre culture visuelle, notre imaginaire même, en sont comme contaminés. Les récits de mes compatriotes ayant déjà visité ce pays s’ajoutent à confirmer cette découverte qui n’en est pas une. Se rendre ici, n’est-ce pas la forme contemporaine du voyage en Italie de nos Classiques ? Mais sans doute pas pour les mêmes raisons...
 
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Réactions: al02 et PATOCHMAN
En fait je suis surpris de ne pas l’être.

Cela fait bientôt deux heures que je reprends mes esprits dans le hall de l’aéroport
Ramasser les morceaux qui traînent à côté de mon verre à demi...
Tiens ; une oreillette, un ventricule, une artère...
Réajuster les écouteurs pour mieux entendre ce vieux rocker qui chante "suis-je inutile et hors d'usage"...
Vite chausser mes lunettes noires pour ne surtout pas exposer mes yeux ; et serrer les dents... Serrer plus fort...
Les bars d'aéroports sont vraiment des crématoriums à illusions...
 
La nuit est noire. Chaude et étoilée. L'atmosphère moite, sous son refuge transparent. Les spots éclairent cette eau non chlorée et légèrement salée. Les éoliennes tournent peut-être. Je ne les entends pas. La garrigue se dessine tout autour. Moi je connais ce paysage par coeur, je vois les vignes, les oliviers, les capitelles, les étangs, la mer. Malgré l'obscurité.
Ce théâtre aquatique posé au milieu de nulle part me donne le vertige ce soir. Mais je n'ai pas le trac. Au contraire. Une immense envie de commencer la représentation.
 
Il doit être quatre ou cinq heures de l’après-midi. Je me traîne dans l’ennui. Alors j’arpente la ville, seul, en dehors des cours. Mal à l’aise. Tendu. Cherchant à tout prix l’événement à photographier à l'unique fin de briser cet abominable ennui poisseux où mon propre temps s’est englué. Sous mon duffle-coat je cache mon appareil photo dont la sangle trop fine me laboure le cou. Comme un voleur d’image. Mon manteau est aussi épais que rigide, informe carapace entravant mes mouvements.

Je dérive sur l’avenue austère qui remonte droit sur la gare. Il fait froid mais pas d’un de ces mordants froids sibériens ; plutôt une température suffisamment basse pour être perçue comme relativement peu habituelle dans ce climat océanique d’ordinaire doux et humide. Tout le monde est un peu engourdi.
La lumière est aussi plate que grise. Une chape nuageuse parfaitement uniforme recouvre la ville. Ce ciel gris, plafond bas, m’étouffe. Je ne trouve rien à photographier : tout m’intéresse et m’ennuie à la fois. Cette avenue a beau être large, elle n’est pas généreuse pour autant. La lumière y entre mal, même quand le temps est ensoleillé : on s’y retrouve soit aveuglé, soit à l’ombre.

J’arrive bientôt sur la place de la gare. Je suis presque à la hauteur de ce pub dont la devanture de mauvais goût n’est qu’un vulgaire pastiche de celles des authentiques établissements. Un homme en sort alors, se déplaçant latéralement pour fermer la porte en la tirant, avec un léger mouvement de bascule. Comme il remonte lui aussi vers la gare je ne peux voir que son dos massif. Le tissu de son manteau retient mon attention - un genre de tweed démodé - mais tout autant sa démarche voûtée et hésitante. Il semble regarder du côté gauche en dodelinant, comme s’il cherchait quelque chose au sol ou dans le caniveau. J’entends alors un râle étouffé, renfermé et aussitôt l’homme se penche plus vivement sur le même côté pour émettre une immense gerbe de vomi qui retombe en pluie sur le trottoir.
 
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Réactions: Amok
La ville s'habille pour faire la fête. Des sons discordants, des mélanges étonnants, détonnants, des rires. Une fête sous surveillance, des uniformes de partout.
Je dois monter et descendre. Traverser ces deux ou trois quartiers qui cohabitent à quelques centaines de mètres de distance et qui sont pourtant si différents. Serait-ce palpable pour quelqu'un de passage ? Quelle est cette facilité des hommes à ériger des barrières invisibles ?
Je n'entends plus rien malgré le fourmillement. Je ne vois, ne sens que cette ville écartelée.
Je me vois.
 
Je dépose mon verre de jus d'oranges pressées. Je regarde par la fenêtre une pie juchée sur le fil électrique. Je reprends mon verre et le vide. Je touche le clavier, effleure une lettre, mon geste ne s'achève pas. Le pointeur de la souris se dirige presqu'automatiquement vers le fichier Word "XYZ". Mais non, il n'est plus nécessaire de l'ouvrir. Le travail est terminé. Un travail commencé il y a un an, presque jour pour jour. Un an que ce travail m'accompagne, qu'il occupe mes pensées, nuit et jour. Et voilà. Il est fini. Oh, j'ai bien plusieurs pistes pour le prolonger. Ou plus exactement, il a généré plusieurs ramifications qui peuvent me remettre en action. Mais plus tard. Un peu plus tard.

Je suis entre deux eaux, je flotte dans cet espace-temps d'apesanteur entre deux deux projets. Celui qui vient de s'achever et celui, flou encore, que je dessine déjà dans la nuit. Une sorte d'état béat, vaguement intra-utérin, une sensation de passage, une sorte de transformation, de mutation. Le moment où l'on n'est plus retenu que par le cordon ombilical qui n'est déjà plus nourricier et qu'il va falloir couper sous peine de mourir, mais où l'on a déjà quitté l'abri vers un ailleurs plein d'incertitude et de promesses. Une dépression, un creux; tout à la fois le bas de la pente que l'on vient de dévaler et celui de la côte que l'on va gravir.

Je reprends mon verre de jus d'oranges pressées. J'oubliais... Il est vide.
 
Machinalement, je refais un coup mes lacets. Non pas qu'ils en avaient besoin, sans doutes plus pour conjurer le sort.
Le camphre embaume le vestiaire. J'aime cette odeur.

Mes 2 piliers et moi même nous nous regroupons. Les derniers mots avant de partir pour le pré. Ils sont durs, tendres, fraternels, violents même. J'en ai connu des préparations d'avant match, mais pas à ce point.

Partagé entre haine, concentration et émotion. L'entraîneur martèle sans cesse que ce match "sera peut être le seul". Quelques larmes roulent sur les joues de ces enfants au visage rugueux. Nous avons conscience de l'importance que revêt ce qui va suivre.

Il faut être prêt, oublier cette clavicule qui me fait mal.

Le signal est donné, il faut y aller, pénétrer dans ce chaudron, malgré notre peur. Peur de passer à côté. Ne pas donner ce qu'on est capable de donner.

Tout le long du couloir des mots traversent mon esprit, tous ont un sens logique, ce sera ma mission pour les 80 prochaines minutes. "Placage, agressif, touche, maîtrise".

Je focalise déjà mon adversaire direct, j'ai 2 minutes pour l'impressionner physiquement, et le marquer mentalement. Je révise mes dernières combinaisons en touche, j'aurais pas le droit à l'erreur.

Nous entrons dans ce chaudron. Tant de bruit, tant de lumière après cette demi pénombre des vestaires, nous sommes tous perdu.

Dans le regard des coéquipiers comme des adversaires nous trouvons du réconfort. Nous sommes égaux.


La bataille peut commencer, qui sait comment elle finira...
 
On dit que les grandes villes sont peuplés de gens égoïstes.
Ce sont surtout les barmen qui le sont le plus : impossible de commander une pinte à 7h du matin, un comble.
- "Non, pas avant onze heures messieurs dames".
- "Ah ouais? Et qui vous dit qu'on ne sort pas d'une nuit harassante de travail, à fabriquer des choses inutiles dans une usine, et que là on en est à l'apéro hein ?!"
Debout, le mec esquisse un sourire moqueur et reste muet à attendre notre commande en tapotant son calepin.
Pas moyen de négocier. Partir au lieu d'attendre ces cafés minuscules et sans calva, à deux euros quarante l'unité ? Finalement non, buvons-les ces cafés.
Tout à l'ouest, on ne voit jamais ça même au coeur de la capitale : ce serait la révolte populaire, pensez donc !

Ce tenancier ignore que son acte totalitaire nous met de mauvais poil pour quelques heures. Une embrouille où plein de souvenirs d'enfance douloureux refont surface éclate entre les frangins. Je déploie autant de diplomatie et de compassion que possible pour les calmer.
Et comme effectivement, on n'est pas de valeureux travailleurs nocturnes cherchant à partager un premier verre mais plutôt des jeunes inactifs ayant joyeusement erré toute la nuit une bouteille dans chaque main et les guitares sur le dos, vous imaginez sans peine la difficulté de la mission.

Fort heureusement, le chauffeur de taxi nous aidant généreusement à traverser tous les deux cette ville immense à 10h du matin n'exige pas que l'on retire nos lunettes de soleil en prétextant que les lunettes noires, c'est que quand y'a du soleil et à partir de midi.
 
Je suis assis sur le toit de ma voiture
Je n'ai rien à voir, ni à entendre, si ce n'est le jeu multicolore du monde
Des bruits, des enfants qui jouent
Mais à quoi jouent-ils ?
Moi, ce monde, au fond, j'en ai rien à foutre

Je suis assise sur le toit de la maison
Je vois plus loin que toi
D'autres couleurs, d'autres sons
D'autres horizons

Ouais, ben tu sais que les mecs du quartier je les connais, ils savent que je suis tout le temps assis sur le capot de la R 12. Marche bien cette 12.

Je suis assise ici et là-bas
Je sais que le monde s'échappe de toutes parts
Je vois ses fragments s'éparpiller

Ouais, on s'en fout de ces histoires. J'ai des trucs à aller chercher moi. Tu vois ce que je veux dire

Au fond, tu as raison
Il n'y a rien à réparer

Toujours en retard, le mec
 
Je suis assis sur le toit de ma voiture
Je n'ai rien à voir, ni à entendre, si ce n'est le jeu multicolore du monde
Des bruits, des enfants qui jouent
Mais à quoi jouent-ils ?
Moi, ce monde, au fond, j'en ai rien à foutre

Je suis assise sur le toit de la maison
Je vois plus loin que toi
D'autres couleurs, d'autres sons
D'autres horizons

Ouais, ben tu sais que les mecs du quartier je les connais, ils savent que je suis tout le temps assis sur le capot de la R 12. Marche bien cette 12.

Je suis assise ici et là-bas
Je sais que le monde s'échappe de toutes parts
Je vois ses fragments s'éparpiller

Ouais, on s'en fout de ces histoires. J'ai des trucs à aller chercher moi. Tu vois ce que je veux dire

Au fond, tu as raison
Il n'y a rien à réparer

Toujours en retard, le mec

Madame...

:zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen: :zen:...
 
Il est 22h. Je n'arrive pas à être en colère, et pourtant, ça me ferait du bien.
J'ai cette pelote dans les mains, comment est-elle venue jusque-là ? Pourquoi ne l'ai-je jamais vu ?
Ou est ce petit jardinier que je connais si peu ? Celui qui a roulé la pelote ?
Je ne sais pas.
Je reste encore un peu, tiens.
 
Archives ...
Faire le tri.
Ce dont on aura besoin, ce qu'on peut mettre dans un coin.
Garder des trucs inutiles pas loin.
Mettre un peu de vie dans les coins sombres des placards.
Finalement pourquoi je garde.
Ces traces là plutôt que celles ci.
C'est un grand foutoir à l'intérieur d'autres foutoirs.
Je verrais plus tard et plus tard est arrivé.
J'ai les boyaux qui me tordent depuis trois jours.
Ça n'a pas grand chose à voir mais peut être que si.
 
Je suis assis sur l'herbe légèrement humide... Il fait nuit... A quelques mètres, derrières les arbres, la fête bat son plein... Ca chante, ça crie, ça hurle... ça vomit aussi... un mec dans les buissons à côté... Ambiance de liesse quoi, mais pas pour moi.
Pourquoi elle a fait-ça, nom de dieu ? Pourquoi elles ont fait ça ?
C'est marrant, mais pour moi, la fête forraine, ça me fait toujours un peu déprimer... les guirlandes, les chapiteaux, le style baroquo-moderne moche...
Et ce soir, ça tourne au cauchemar... Les flons flons, la barbe à papa, les types bourrés, l'orchestre criard... et au milieu, la fille à qui je tiens le plus qui en embrasse une autre à pleine bouche. Le choc, la haine, les nerfs, la fuite dans le bosquet...
Bruits de pas sur l'herbe à droite... une silhouette fine s'avance gracieusement. J'entends sa respiration paniquée. Elle se jette à terre, puis dans mes bras... Pardon, pardon... Je t'aime...
Je me lève, je me détourne...

On en parlera demain...
 
C'est impressionnant comme on peut voir les larmes mêmes sous des lunettes noires. En fait, non, je ne les vois pas mais c'est tellement évident que ses yeux en sont chargés que je me dépêche d'enfiler les miennes aussi. J'ai le visage moins crispé, et puis je peux toujours détourner le regard. Ca ne se voit pas.
Je soutiens son regard quelques longues secondes, je l'avais prise dans mes bras vendredi soir, elle pleurait. Là je vais… non je détourne le regard. Je peux pas te prendre dans mes bras. J'arrive pas.
Et ce soleil qui nous brûle.

Les collègues de boulot parlent d'autre chose, c'est normal et partent… dans le coin ici, des copains, ça cause pas, c'est étrange, c'est tendu.

Les gens continuent de s'en aller, ils vont à l'appartement boire un verre, ça se fait… elle a du sortir des bouteilles d'exception.

Je n'y vais pas, je dépose C. là bas, j'attends, pour savoir si je dois aller chercher L. à l'école.

Non ? Seulement A. J'y vais.
"Oui, oui, tu ne restes pas longtemps"

Je sais que ça n'est pas possible.

Je démarre, m'allume une nième cigarette.
J'ai du temps, je passe à Match prendre de la bière, du pain et des céréales. Je n'arrive pas à boire du vin à 5h.
Il n'y a pas plus Libé au tabac, le Monde met le iPhone à sa une avec une grande photo et trois lignes idiotes sans suite en pages intérieures.

La pluie se met à tomber, je suis en chemise. Fait chier.
 
J'ai chaud. Faire avec, même si je ne peux m’en cacher. Puisque c’est ainsi, je prends ma cinquième douche, ça soulage quelques minutes. Me poser devant le ventilateur, pour refroidir le corps un peu plus longtemps.

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Il pleut. Je regarde tranquillement la pluie et le sable de l’extérieur pénétrer par les interstices du bas de la porte de la cuisine, par rigoles, sur le plancher et à l’intérieur des carreaux de céramique fraîchement installés, pendant que je prépare tout aussi tranquillement la soupe aux légumes du midi. Observer l'eau qui sort du plafond. Je ne prends pas la peine de mettre un bol sous les gouttes qui tombent. Ça sèchera bien assez vite.

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La pluie n’est pas venue depuis deux jours. Respirer l’air devenu extrêmement sec avec sa poussière omniprésente qui transperce jusqu’au moindre recoin tous les livres, le linge, les rideaux, les meubles et ce, malgré la protection un peu ridicule des tissus colorés et épais, éparpillés partout.

J'espère une nouvelle pluie. Mais il fera très chaud avant.
 
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Réactions: teo et Human-Fly