Elle s'était réveillée au crépuscule et hésita avant de sortir de son repaire. Les derniers rayons de soleil l'intimidaient un peu, mais elle se lança quand même. A cette heure-ci, ils étaient trop obliques pour l'affecter réellement. Il lui suffisait de ne pas aller face à eux. Et puis il lui fallait bien se dépêcher, car les nuits d'été, les plus douces et les plus agréable étaient aussi les plus courtes. Non que la chasse lui prendrait du temps (une ou deux proie suffiraient à la rassasier), mais autant profiter le plus longtemps possible des nuits estivales. Puisqu'elle ne pouvait vivre au grand jour... Elle flâna donc jusqu'à une heure tardive, jusqu'à ce que la faim lui vienne et qu'il lui faille à tout prix se repaître. La faim... Ou plutôt la soif. La soif de sang, celle qui la guidait depuis sa métamorphose. Elle n'avait jamais vraiment considérer celà comme un malédiction. C'était, pour elle, naturel. Inévitable. Comme écrit. Depuis sa naissance, elle savait que viendrait cette métamorphose, et qu'elle deviendrait alors un prédateur de la nuit qui ne pourrait se nourrir d'autre chose que de sang. Elle l'avait toujours su, et n'avait jamais ni craint, ni regretté cette fatalité. C'était ainsi. Comme un instinct. Et la métamorphose advint, comme elle s'y attendait. Comme un destin.
Elle partit donc en chasse, alors que les hommes dormaient déjà. Elle avait appris à retenir sa soif jusqu'à ces heures tardives. Ces heures idéales, où comme à cet instant, elle pouvait patrouiller sans risque, en guettant la chaleur des corps humains et l'odeur caractéristique qu'il dégage alors qu'ils dorment. Gaz carbonique et sueur. Cette effluve, elle la détectait de loin. Elle s'approcha d'une source. La prochaine victime se tenait non loin de là. Dans un lit dans une chambre dans une maison. Elle se fit légère comme l'éther pour passer dans l'interstice d'une persienne. La proie était là. Un homme qui dormait en position foetale, à moitié recouvert par un drap. L'odeur l'enivrait. La tentation était grande, mais elle ne devait pas se précipiter. Ne pas brasser trop d'air pour ne pas le réveiller. Mais c'était comme si elle ne se contrôlait plus vraiment. Consciente de ses gestes, mais davantage spéctatrice qu'actrice. Comme si elle se dirigeait en se tenant par des rennes plutôt qu'en commandant son corps.
Elle aurait du mordre au cou, ou à l'aisselle, ou derrière l'oreille, la où la peau est fine et facile à déchirer. Mais l'impatience la dirigea sur l'avant bras découvert de sa victime. Le simple fait de l'effleurer la soulagea, comme si elle était déjà un peu rassasier. Elle mordit. Elle avala une première gorgée de sang qui la réchauffa. Hum, ce goût. Puis elle aspira le liquide rouge avec une frénésie animale. Boire, avaler, se gorger, jusqu'à l'ivresse. Elle se sentait si bien. Une dernière gout...
Elle trembla. Elle sentit comme un souffle et compris. Il était déjà trop tard. Son corps frêle et décharné avait beau avoir quasiment doublé de volume au cours de ce repas, elle ne pourrait rien. Il finirait écrasé dans un instant.
***
Il alluma sa lampe de chevêt. La lumière l'étourdit un peu, mais en plissant les yeux, il pu regarder dans sa main. Il ne l'avait pas loupé. Elle gisait, désarticulée, sur la pulpe de la première phalange de son annulaire. Sous l'impact, son abdomen s'était déchirer et une perle de sang s'en échappait. Il prit un mouchoir en papier dans sa table de chevêt et le posa comme un voile sur le cadavre de l'insecte. Le mouchoir s'imbiba du sang comme un buvard éponge l'encre. La goutte de sang devint un point rouge sur le papier, qui s'étala de manière irrégulière, jusqu'à dessiner une petite tâche. Puis il s'essuya la mainr, emportant le moustique dans les plis du mouchoir.