Viens de voir
La bête humaine, de Jean Renoir (1938), très librement adapté du roman de Émile Zola (que j'avais beaucoup aimé).
La présence à l'écran de la locomotive (quel monstre !), la découverte d'une France qui n'existe plus (les paysages, les bâtiments, les intérieurs,...), tout ça produit une sorte de fascination. J'ai été un peu surpris de la "modernité" de la France, alors que c'est avant la seconde guerre. Tout de même c'était pas rien ce pays, il faut le dire, quand je compare au pays de mes ancêtres à la même période
La réalisation est belle, étonnament moderne, surtout au niveau des plans et de la composition. Le noir et blanc est sublime, c'est une esthétique qui dramatise, et qui en fait ne vieillit pas.
J'ai trouvé le jeu de Jean Gabin (que je n'avais jamais vu jeune au cinéma!) assez décevant. Il fait toujours du Gabin, il joue toujours de la même façon, c'est-à-dire en étant lui-même. C'est un acteur à gueule, à trogne, et ça s'arrête là. Il a de la force, mais pas d'intensité. À l'exception peut-être d'une scène, où il arrive à faire passer un truc (en sortant de la police, il fait comprendre à Sévérine qu'il sait pour le meurtre mais qu'il dira rien, seulement par le regard).
J'ai trouvé Simone Simon bien plus convaincante et émotionnelle. Au début, on pense qu'elle a le rôle de cruche (comme souvent dans les anciens films, il faut le dire, avec les rôles féminins...), mais en fait vers la moitié du film, on commence à comprendre qu'elle est plutôt manipulatrice et sacrément dangereuse, par bonhomme interposé ! Elle m'a fait penser à Lady Macbeth ! Mais une Lady Macbeth de quai de gare !
L'histoire en elle-même n'est pas très profonde, je vois ce film plus comme un divertissement un peu sombre. On pourrait peut-être le classer dans la catégorie des "films noirs". On ne saura jamais vraiment d'où vient ce "mal" bizarre dont souffre Lantier, ni pourquoi ce sont les femmes qui en font les frais, alors qu'il ne peut pas passer à l'acte avec un homme. Il n'y a aucun questionnement psychologique ou philosophique sur la condition humaine dans le film, au contraire du roman de Émile Zola, qui est plus épique et plus réflexif. Le cinéma a montré depuis qu'il était possible de réaliser une adaptation, sans forcément perdre la profondeur et l'invite à la réflexion.
Un film à voir en tout cas, ne serait-ce que pour rendre hommage à une technologie trop vite oubliée et qui a été si importante pendant si longtemps : la chaudière à vapeur, la locomotive,... J'ai eu la chance d'en voir encore en fonctionnement étant plus jeune, mais ça me fascine toujours autant.