À présent que le problème de ce fil se trouve pratiquement négocié (
neg_otium), j'ai théoriquement loisir (
otium) de scruter ce point fascinant :
Ça évite peut-être des erreurs, mais ça donne surtout lieu à la même question : où est passée ma Bibliothèque ?
Ben, la plupart des gens ne lisant jamais de livres, cela reste quand même rare que les gens se demandent où est passée leur bibliothèque.
La « disparition de la bibliothèque » est, en effet, quelque chose qui suscite des résonances profondes dans l'esprit. L'événement-paradigme de cette disparition est la « disparition de la Bibliothèque d'Alexandrie », fondée par le Général d'Alexandre le Grand : Prolémée, et qui contenait, en un million de "volumes" (rouleaux), la somme de tous les écrits connus de l'Antiquité traduits en Grec. Écho de cette tragédie fondatrice : la mise-en-scène par
Eco de la « disparition » de la bibliothèque dans le «Nom de la Rose». Bibliothèque dont le bibliothécaire aveugle avait organisé la disparition du lecteur, par le truchement d'un catalogue seulement interprétable de lui-même et par la soustraction du livre clé : le tome II de la «Poétique» d'Aristote consacré à la «Comédie» dans un «Finis Africae» le faisant disparaître d'accès.
Qu'un utilisateur d'
OS X ou l'habitant d'une maison s'interroge, par suite, sur une « disparition de sa bibliothèque » : voilà qui fait écho encore à l'événement inaugural - celui de la « disparition de la bibliothèque ». Se soucier de constituer une « bibliothèque privée », n'est-ce pas toujours chercher à rattraper la tragédie inaugurale : celle de la « disparition de la bibliothèque » ? Et n'en va-t-il pas de même pour toutes les bibliothèques publiques qui ont été instituées en de nombreuses villes d'Occident : d'être des rattrapages de la « disparition inaugurale » ?
Ce qui me conduit à une interrogation : qu'est-ce qui a disparu avec la « disparition de la bibliothèque » ? Les Grecs, fascinés par les paradoxes, s'étaient demandé : un « tas » cesse-t-il d'être un « tas » à un point donné, si on en enlève un à un chacun de ses éléments ? Par suite : une « bibliothèque » cesse-t-elle d'être une « bibliothèque », si on en enlève un à un chacun de ses livres constituants ? Est-ce la « disparition des livres » qui suscite la « disparition de la bibliothèque » ? Ou bien n'y a-t-il pas « disparition de la bibliothèque », quand bien même un million de livres existeraient-ils dans un local public ou dix mille dans un local privé ?
Il existe un « paradoxe politique » du « Bibliothécaire » : ouvrir à tous l'accès à à tous les livres, de peur, sans lecteurs, qu'il n'y ait « disparition de la bibliothèque » / refuser à quiconque l'accès à aucun livre, de peur, par "consommation" des livres, qu'il n'y ait « disparition de la bibliothèque ». Ce paradoxe ici "dramatisé" est révélateur : c'est toujours l'idée de la « disparition de la bibliothèque » qui fonde aussi bien la lecture que l'absence de lecture. Ne fonde-t-il pas tout autant l'acte d'écrire un livre en rattrapage de la « disparition de la bibliothèque », que l'acte de ne pas écrire un livre en rattrapage de la « disparition de la bibliothèque » ?
Ce qui me ramène à l'interrogation : qu'est-ce qui a disparu avec la « disparition de la bibliothèque » ?