Et avec la tête ? [V.4]

Paris, années soixante-dix,

Avec quelques craquètements assourdis, le diamant paraît chercher sa voie sur le microsillon du vieux disque usé. Puis un hautbois, soutenu par des bassons et un cor d’harmonie, lance l’introduction du Lac des cygnes en moderato assai, bientôt rejoint par les cordes.

Seule dans le petit salon plongé dans la pénombre, une vieille dame à la silhouette élancée et aux cheveux blancs ramassés en un chignon parfait est assise dans un moelleux fauteuil tendu de chintz, les jambes couvertes d’un plaid. Elle écoute la mélodie, les yeux mi-clos, transportée dès les premières notes vers un passé depuis longtemps révolu.

En quelques secondes, des images et impressions de sa vie défilent dans son esprit, depuis les dures années de labeur à l’école impériale de ballet jusqu’à l’immense scène du théâtre Mariinski à Saint-Petersbourg, depuis les rôles de figurante sous la houlette de Marius Petipa jusqu’à la consécration comme prima ballerina assoluta, depuis l’anonymat des dîners frugaux avec la troupe jusqu’à l’adulation prodiguée dans les réceptions par les plus grands, et, parvenue au firmament, après chaque représentation, le chemin parsemé de pétales de roses jusqu’à la loge emplie de bouquets de fleurs, le tsarévitch et les grands-ducs Romanov qui l’attendent en coulisse, les amours, la naissance de son fils Vladimir…

Comme pour annoncer les années les plus difficiles, l’électrophone entame la lecture de la plage suivante, l’allegro giusto de la première scène de l’acte I ; elle revit alors les plus sombres souvenirs, la révolution de février, la révolution d’octobre, la misère et les privations subies, et le dur exil, loin de la Russie.

Elle pense ensuite à la nouvelle vie qu’elle a construite dès son arrivée en France, d’abord sur la Riviera, puis son mariage avec le grand-duc désargenté André, l’ouverture à Paris de sa propre école de danse qui leur a permis de faire bouillir la marmite : une nouvelle vie, modeste et bien remplie…

Mais, à l’aube de ses 99 ans, malgré sa condition physique relativement bonne, elle se sent trop seule et déracinée, elle est prête à répondre à l’appel de son défunt André dont elle croit reconnaître les douces intonations dans l’harmonie des violoncelles : « Matilda…! » semble l’interpeller cette voix profonde sortie des limbes.
« J’arrive », murmure la vieille dame…

Très librement inspiré de la vie de Mathilde Kschessinska
 
date limite samedi 24 mai 22h

thème "j'arrive!"

mots obligatoires:

Russie
diamant
plage
microsillon
pétales de rose


Par un beau début de soirée, attablés à la terrasse d'un bar d'hôtel située en bordure d'une plage bretonne, Karine et Jean discutaient tranquillement de leur trésor découvert récemment...
" - Légalement, la moitié du trésor revient à la municipalité ou à l'état et l'autre à nous. " Intervint Jean.
Mais il ajouta, montrant à Karine la feuille trouvée avec le précieux contenu, dans la marionnette : " - Je n'osais alors aborder le sujet avec vous, mais il est dit qu'une malédiction accompagne le trésor et ceux qui le découvrent... "

Karine partit d'un petit rire moqueur...
" - Vous n'allez pas croire ces sornettes... La seule " malédiction " à craindre se limite à la convoitise, et la discrétion nous en préservera." assura-t-elle.
Jean se montra plus mesuré :
" - Je ne redoute rien de surnaturel moi non plus. Et en effet, la convoitise constitue un danger dont nous devons absolument nous prémunir. Mais je crois en un autre danger... La folie qui peut gagner des gens qui ne sauraient pas gérer psychologiquement une grande fortune soudainement acquise... "
Karine le contredit : " Pourquoi ne pas utiliser le plus petit diamant du lot pour faire la fête, rien qu'un soir, avant de gérer bien sagement tout le reste ?... "
Jean vit hélas toutes ses craintes sur le point de se vérifier... Il interrogea la jeune femme :
" - La plus petite pièce du lot doit déjà valoir très cher... Vous pourriez "faire la fête" avec cette pierre ou le produit de sa vente pendant bien plus d'une soirée... Et comment comptiez-vous vous y prendre pour faire la fête ?...
- J'ai discuté avec un groupe m'ayant assuré connaître les meilleurs restaurants et les meilleurs bars du coin, et tous m'ont assuré connaître aussi les plus grands champagnes et autres alcools les plus prisés, la cocaïne la plus pure et des drogues hallucinogènes diverses de grande qualité... Une fête folle... Rien qu'un soir... "

Cette fois-ci, toutes les pires craintes de Jean se confirmaient d'un seul coup... Il essaya de raisonner la jeune femme tout en se préparant aussi à clôturer au plus vite l'aventure.
" - Je comprends votre enthousiasme et je le partage.
Mais vous venez de résumer toute seule tout ce que cette "malédiction" peut avoir de réel... La folie des dépenses... N'importe comment... Avec des produits extrêmement dangereux, pour beaucoup illégaux qui plus est... Avec des risques dès le premier soir, sans parler de la probable addiction qui ne manquerait sans doute de suivre...
Pour tout arranger, en étalant votre argent devant de parfaits inconnus, sans doute fort peu recommandables s'ils vous proposent différents stupéfiants interdits par la loi dès le premier soir... Ils vous piégeraient par la drogue et par je ne sais quelle ruse perverse pour s'emparer du trésor dans son ensemble, car ils ne tarderaient pas à en deviner l'existence. Et cela finirait sans doute très mal...
Non, je ne peux accepter des risques aussi fous pour vous ni d'ailleurs pour qui que ce soit.
D'ailleurs, vous ignorez tout comme moi la provenance de ces pierres... Le mieux serait de déclarer le trésor en mairie demain. Et de réfléchir ensuite à la manière dont nous pourrions utiliser la part qui nous revient. La moitié du tout à nous partager. Ces diamants peuvent provenir de n'importe où, y-compris de Russie, qui en est le premier producteur au monde. J'ai suivi votre conseil concernant la consultation des dictionnaires et autres bases de données, particulièrement sur le Net...
Et si tous ces diamants étaient convoités ou pourquoi pas revendiqués par des mafieux russes ? En fait, ça ou autre chose...
Nous reparlerons de tout ça demain à tête reposée, mais surtout, puissiez-vous éviter soigneusement tous les pièges dans lesquels vous ne sembliez pas loin de tomber, pour me les avoir cités en grande majorité, plus vite encore que tout ce que je pouvais craindre... "
Karine semblait vouloir ne pas céder à ses tentations les plus intrépides, au mépris des catastrophes risquées...
Jean, quant à lui, demeurait dans une approche de la question prudente à l'extrême et farouchement légaliste, de sorte qu'ils ne se comprenaient plus.
Ils parlaient toujours mais ils ne communiquaient plus.
Chacun répétant en boucle ses propres arguments à la manière d'un vieux disque à microsillons rayé...

Assurant Karine qu'il revenait " tout de suite ", Jean quitta la table et rentra dans sa chambre pour s'emparer à lui seul de tout le trésor... Il replaça la lettre d'avertissement montrée à Karine dans le sac, qu'il emballa lui-même de plusieurs couches de sacs en plastique étanches superposés les uns sur les autres. Il recouvrit le tout d'un vulgaire sac en papier marron qu'il ferma à son extrémité en tournant autour une ficelle, finalement fermée par un nœud...
Il mettait à exécution un plan qu'il avait conçu pour le cas où la situation deviendrait critique...
Il quitta littéralement comme un voleur l'hôtel où il séjournait avec Karine...
Il courut bientôt vers un petit bateau de tourisme dont il retarda le départ en s'écriant " j'arrive !... " Puis il monta à bord.
Quand la nuit fut vraiment noire et que le bateau fut bien loin des côtes, il se tint à l'opposé des touristes prenant de belles photos nocturnes, tournés vers le rivage...
À l'autre extrémité du bateau, Jean jetais sans hésiter son horrible sac en papier marron à la mer...
Lorsque des passagers passèrent près de lui, Jean tenta de se donner une allure artistique en dispersant quelques pétales de rose à la surface de l'eau avant d'essayer de les photographier avec un appareil photo compact numérique de belle qualité.
Il lui sembla que son "plan d'urgence" avait fonctionné et que Karine et lui, faute de rester bons amis, échapperaient au moins à la fameuse malédiction...

Laid au point d'en être risible, le sac en papier coula doucement...
La fermeture de la ficelle donnait au sac une forme de bonbon géant enveloppé en papillote...
À la limite, cette chose à la couleur désormais incertaine, du fait de la nuit et de sa plongée dans la mer, pouvait éventuellement rappeler la forme d'un poisson...
Peut-être la raison pour laquelle un véritable gros poisson goba la chose ainsi qu'il eût fait d'une véritable proie...
L'animal fut pris d'une sorte de hoquet, puis de convulsions de plus en plus fortes...
Le malheureux n'avait pas pris la peine de lire la lettre d'avertissement...
Quelques secondes plus tard, il était mort.
 
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Ding dong... tic tac ... le temps passe
 
Je suis aux anges !
Ma bien-aimée est arrivée hier de Russie, débarquant sur la plage les cheveux couverts de pétales de rose et un diamant au doigt, criant :
« Chéri... j'arrive ! Voici le microsillon que tu espérais tant, l'enregistrement original de Boris Goudounov ! »
 
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4 juin.

Le vent glacial mordait comme un chien enragé, arrachant les derniers pétales de roses à des plantes rabougries aux rameaux tordus et noircis. Le soldat poussa la porte d’entrée du bout de son arme. Rien ne bougeait dans la maison. Il y faisait bon, le chauffage automatique maintenait la température idéale. Il entreprit de fouiller la maison silencieuse. C’était un pavillon standard, propre et bien tenu, des cadres de photos accrochés au mur autour de la cheminée qui servait de décor. Des personnes inconnues posaient en compagnie d’autres inconnus hilares ou arborant ce sourire forcé, un peu niais qu’ont souvent les figurants en attendant la sortie du petit oiseau.

-Rien en bas, je monte…

Au second, il trouva un bébé sur le ventre de sa mère, tétant un sein qui ne donnerait plus jamais de lait. Il décrocha le petit cadavre et le posa sur le lit, scanna le corps de la mère.

- Dans la chambre au deuxième, 2, un nourrisson et sa mère. Résultats du scan, décès le 1, âge de la mère 22 ans. Le petit n’est pas encore pucé, âge probable moins d’une semaine.

-OK, rapport enregistré, passez au suivant.

Au début de « l’ Attaque », dans ce coin tranquille du Texas, tout le monde avait accusé la Russie.

Mais la Russie et le reste du monde étaient eux aussi en prise avec le phénomène. On parla alors d’extra-terrestres. Mais aucun signe, aucune forme d’attaque connue n’avait eu lieu, ni bombes ni gaz détectable, rien…

Pourtant des millions de gens étaient morts en quelques jours, puis des milliards avant que la mort ne s’estime satisfaite. En même temps,le temps était devenu fou. Noël cette année là avait connu des vagues de chaleur aussi extraordinaires que brèves.

De fait, les récoltes furent insuffisantes mais il n’y eu pas de famine, la population humaine n’était plus que de 2 milliards. 2 milliards de personnes qui erraient dans des villes désertes, se regroupaient pour survivre, faire coûte que coûte fonctionner les dernières traces d’une civilisation technologique.

5 juin.

Le soldat avançait courbé contre le vent pour traverser ce qui était il y avait moins d’un an un parc rempli de jeux, de cris d’enfants. Il n’y avait plus de promenade à poney, sans personne pour les nourrir, beaucoup étaient morts de faim les autres s'étaient enfuis. Pourtant la faune n’avait pas été touchée par l’ Attaque.

Si les animaux se faisaient rares, c’est qu’ils avaient rejoint des cieux plus cléments. Il existait sur la planète des endroits qui n’avaient pas été touchés. Il était en permission dans l’un d’entre eux quand l’Attaque avait commencée. La fontaine gelée miroitait sous le froid soleil de milliers de diamants aveuglants. Lui continuait son macabre décompte, rendait compte chaque fois par radio à une autorité invisible, rentrant chaque soir dans un des campements désignés. Ses frères d’armes racontaient tous la même chose, plus de vie humaine. Curieusement les corps n’entraient pas en putréfaction, mais se parcheminaient rapidement puis disparaissaient. Nulle épidémie n’avait dispersé ses miasmes délétères parmi les survivants.

6 juin.

Ce matin, le soldat ressentit pour la première fois depuis longtemps un changement dans l’atmosphère. L’air semblait plus léger, plus vif, la glace des bassins se paraît de microsillons puis disparaissait sans vraiment fondre. L’eau coulait à nouveau.
Sa radio crépita :
-À tous, retour au QG…

7 juin.

Soleil et météo printanière. La température était agréable.
Hier, au QG, on leur avait expliqué que la situation redevenait normale sur déjà une grande partie de la planète. La consigne n’était plus de compter les morts mais de trouver des survivants.

Il déambulait dans les rues, se dirigeant vers un quartier où il n’avait pas encore mis les pieds. Il entendait une émission de télé par les fenêtres ouvertes d’une maison. Une personne se cachait là.

C’était une famille complète, six survivants hébétés qui écoutaient les chaînes officielles leur donner les consignes. Il leur remit un bracelet - boussole pour rejoindre le QG et continua sa mission. Ç’était étrange de rencontrer à nouveau des civils après ces mois à vivre entre soldats.

Il arriva à la plage déserte et ensoleillée. Dans le ciel d’un bleu pur dont il ne se souvenait plus, de longues traînées blanches dessinaient une route de vapeur fugitive. Depuis un an et demi, il n’avait pas vu ces signes ; un avion se dirigeait vers les terres.

Devant lui, loin dans la mer, une baleine fit un bond. Il sourit.

La vie reprenait ses droits…

1 janvier.

Des gourous proclamant que des sociétés secrètes étaient responsables, que les scientifiques savaient, apparurent bientôt partout « il faut détruire toute forme de science ». Certains les entendirent et fuirent avec leur famille, peu de biens et beaucoup d’espoirs. Ni eux, ni les gourous ne refirent parler d’eux…

Noël, A+10.

La terre était en paix, les enfants naissaient, croissaient et multipliaient. Mais pas trop…
Avaient ils compris enfin ?

Un jour, A+30.

L’Idiot sur la colline se leva, regarda le soleil qui se couchait, puis se tourna vers son Œuvre et les yeux cachés dans les mains, sourit et disparu.
 
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Alors voici le thème proposé : Face à l’inconnu
…avec les 5 mots obligatoires :
  • Usurper
  • Occulte
  • Inusable
  • Aspérité
  • Cohorte
Date limite le 21 juin à 22h
À vos plumes, stylos, crayons, stylets, claviers, …
Bonne journée.
 
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Réactions: Human-Fly
Alors voici le thème proposé : Face à l’inconnu
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Date limite le 21 juin à 22h
À vos plumes, stylos, crayons, stylets, claviers, …
Bonne journée.
« Du jamais-vu », s’insurge le lecteur.

Il ajuste ses lunettes qui glissent de son nez, regarde de nouveau, explore le site sous toute ses coutures.

« C’est pourtant une formule inusable, qui a perduré pendant des lustres ; je reconnais qu’il n’y a jamais eu de cohortes d’adeptes, mais là on atteint sans doute le fond ! ».

Il sait pertinemment que cette activité ne se déroulait jamais sans aspérités, qu’il pouvait y avoir des hauts et des bas, mais vraiment, il a l’impression qu’une force occulte s’évertue à conduire le grand œuvre à l’échec.

Un nouveau coup d’œil sur la date, nous sommes pourtant bien le 19 juin, et il ne reste plus que deux jours avant le terme prescrit : mais que pourra-t-il donc faire, ce brave gerapp38, s’il n’y a vraiment personne pour tenter de s’adjuger, sans l’usurper, la palme de cette session du grand jeu "Et avec la tête ? [v4]" ?
 
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Réactions: Human-Fly et jmquidet
Alors voici le thème proposé : Face à l’inconnu
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Nous sommes en effet totalement Face à l’inconnu
Sans vouloir intervenir de manière occulte dans l'étude réalisée par gerapp38, ni même usurper le rôle qu'il assume très aimablement au sein de la cohorte des membres de cette très honorable et Inusable assemblée, il nous faut faire un constat d'évidence :
Le temps s'écoule, jour après jour, sans qu'aucune aspérité ne surgisse pour en altérer le cours...
alors, alors, ALORS... que va-t-il se passer demain?
 
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Réactions: Gerapp38 et Human-Fly
Alors voici le thème proposé : Face à l’inconnu
…avec les 5 mots obligatoires :
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  • Cohorte
Date limite le 21 juin à 22h
À vos plumes, stylos, crayons, stylets, claviers, …
Bonne journée.



Lassé par ma vie trop routinière, l'envie me prit de me glisser, le temps d'une soirée, dans le rôle d'un Luciférien, pour assister à une messe satanique...

Il me fallut usurper le profil de l'adepte de ces choses que j'étais loin d'être...
Je pris soin de bien jouer mon rôle auprès d'un libraire servant officieusement d'intermédiaire entre la secte et le monde extérieur.
Et le subterfuge fonctionna de sorte que j'obtins mon invitation.

J'eus mon lot de frissons durant le rite occulte auquel je m'efforçais de participer de mon mieux, tout en restant aussi discret que possible...

La messe noire se déroulait dans la grande pièce d'un château qui semblait inusable, on point qu'on eût dit que des forces maléfiques l'avait miraculeusement protégé des ravages du temps, sans entretien particulier, du moins à ce qu'on m'en avait dit...

L'extérieur du château, orné de diverses gargouilles, baphomets, serpents à tête de lion, crucifix inversés et autres symboles sataniques, ne laissait voir toutes ces choses incrustées dans la pierre que de près. De loin, le château semblait plutôt discret, et comme à l'intérieur, il semblait en bon état, si bien que sa surface semblait étrangement lisse, sans même une aspérité.

Au sein de la cohorte d'adeptes ayant assisté à la messe, je vis une jeune femme, tout aussi belle que le regard perdu... Tout comme moi, elle ne semblait pas à sa place. J'ignorais si elle menait une enquête journalistique, policière, ou si la simple curiosité l'avait conduite en ces lieux...
Je pris le risque de l'aborder, lui proposant de fuir aussi rapidement que possible les lieux, discrètement, à la première occasion qui se présenterait...
Tout comme moi, elle semblait désireuse de ne pas s'éterniser dans l'endroit inquiétant dans lequel nous trouvions désormais...
 
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Réactions: Gerapp38
C’était le soir, en rentrant du travail. Le comptable était sorti plus tard du bureau, une activité occulte ayant été suspectée par son entreprise. Il n’avait pas voulu maquignonner ce dossier. Sur la petite route menant à sa demeure, l’obscurité l’aveuglait : il croyait voir un sanglier, une biche, un bandit de grand chemin à chaque virage. En raison de la grande vitesse, les roues trépidaient sur les aspérités de la route, la peur de l’inconnu ayant eu raison de sa prudence. Au loin, sous la lumière jaunâtre des phares, se profilaient des ombres terrifiantes, se faisant tantôt monstre abominable, tantôt loup-garou féroce. La Lune, d’une clarté éburnéenne, ne projetait qu’une pâle lueur sur la campagne, accentuant plus encore les ombres qui se projetaient sur la route. À présent, c’était une cohorte entière d’entre elles qui semblaient se jeter sous la voiture ! Soudain, son cœur manqua de s’arrêter : il aperçut ce qui lui semblait être un énorme molosse, clignant de ses yeux rouges, lumineux et injectés de sang. Alors, il trembla de frayeur, sa voiture fit une brusque embardée. Le molosse se mettait à siffler bruyamment, son souffle était si puissant qu’il s’entendait à cent mètres à la ronde. Sa réputation de pleutre n’était pas usurpée : pris de panique, le comptable s’arrêta, ne sachant que faire. Le molosse s’approchait inexorablement de lui, l’intensité de son souffle croissait à chaque instant. Le comptable entendit un sifflement lugubre déchirer le silence de mort la campagne : c’était le cri de la bête, pensait-il ! Il s'apprêtait à être englouti tout entier, quand soudain... Derrière les arbres de la forêt, apparut une inusable locomotive à vapeur, suivie de ses wagons, toutes lumières allumées. Le panneau clignotant du passage à niveau s’était allumé, signalant son passage.
 
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Réactions: Human-Fly et Gerapp38
Implacable, la légion avançait.
Ces cohortes de soldats détruisaient, tuaient tout sur leur passage. Chez eux, aucun prisonnier , les
blessés étaient achevés sur place qu’ils soient amis ou ennemis. Rien ne devait ralentir la marche
de l’armée. Une rivière? Le pont se construisait en avançant, les montagnes ne les freinaient pas,
derrière eux, ne restaient que désolation et destructions. Mus par une inusable foi fanatique, leur
royaume s’étendait. Ils avaient juré allégeance aux forces occultes qui les menaient vers une
victoire inéluctable. Très peu d’entre eux savaient qui ils servaient. Peu importait d’ailleurs, leur soif de
conquête gommait tout. Devant, tous fuyaient, ils connaissaient la férocité des soldats, leur
réputation d’inhumanité les précédait. Les chefs regardaient passer leurs tueurs implacables.
Aucun n’aurai pensé usurper leur place, même s’ils avaient droit à une nourriture bien meilleure
et à bien d’autres égards. Loin devant, la bataille faisait rage, les cadavres s’entassaient par milliers.
Les chefs passaient parmi les combattants, les encourageant d'une inquisitrice caresse des antennes, décapitant d’un coup de mandibule ceux qui étaient tombés. Leur carapace sans aspérité luisait sous le soleil de la jungle. Et toujours, ils
avançaient...
 
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Réactions: Human-Fly et Gerapp38
Finalement, on aura obtenu quatre textes de qualité :
  • un texte très court,
  • un texte qui constitue le premier épisode d’un feuilleton dont on attend la suite avec impatience,
  • deux textes courts avec un retournement final comme je les aime.
Ma préférence ira donc à l’un de ces deux derniers textes.
Un choix comme toujours difficile, mais j’ai été un petit peu plus séduit par la narration des affres vécues par ce pauvre comptable, même si l’idée de l’armée en marche me plaisait également.

Je décide donc d’octroyer la victoire à @Louisjoudig.

Bravo à lui et bonne nuit à tous…
 
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Réactions: Human-Fly
Merci, voici le sujet suivant.

Thème : à la frontière entre le rêve et la réalité.

Mots :
Évanescent
Septentrional
Éther
Burgauté
Mâtin (et non matin)

Date de fin :
Le 6 juillet, à minuit.
 
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Réactions: Gerapp38
Les poings dans ses poches crevées, il déambulait le long de la grève, dans ce petit matin évanescent, en cette heure subtile où les volutes de brume s’élèvent sur le lac, jouant avec les rayons d’un soleil deviné qui teinte de rose le ciel de cette fin d’été. De rares oiseaux, encore engourdis de la nuit s’élèvent à peine, filant à ras des genêts sans crier comme s’ils ne voulaient déranger la douce quiétude qui régnait ici. De temps en temps un poisson crevait l’eau pour saisir un insecte attardé, ponctuant le silence d’un délicat clapotis. Bientôt, derrière le rideau des arbres se lèverait l’astre amenant avec sa chaleur la vie bruissante des chants d’oiseaux, du vrombissement des insectes. Un vent léger frisera la surface de l’eau, déformera sur ce miroir le reflet des derniers iris, faisant danser doucement les ramures des saules. Les rayons du soleil feront disparaître les dernières gouttes de rosée qui scintillaient sur les colchiques qui redressent leur corole, débarrassées du poids de la moiteur rendue à l’éther

Ses pieds nus s’enfonçaient dans le sable encore frais mais qui dans quelques minutes se dorera sous la caresse du soleil. Il s’assit sur un tronc au bord de l’eau. Des éclats de lumière jaillissaient de chaque vaguelette, il restait là, contemplant on ne sait quoi droit devant lui, perdu dans ses rêveries. La chaleur montante le berçait d’une douce torpeur. Lui, les yeux mi-clos se laissait aller au simple bonheur de se sentir bien, en paix. Bientôt, l’hiver septentrional figera le paysage pour quelques mois. Sa vie d’avant lui revenait, dans des îles où un éternel été régnait. Alors, il arpentait d’autres plages, des marchés exotiques, rencontrait des gens qui le traitaient avec un respect teinté d’admiration. Il était un expert reconnu, ne laissant à personne le soin de choisir pour lui les nacres qu’il découpait d’une main sûre pour restaurer écrins et meubles précieux. Ses décors burgautés ornaient les demeures et châteaux des plus hautes personnalités. On servait de divins nectars sur des plateaux de laque sombre rehaussés de fééries irisées…

Il se leva, pestant contre son dos endolori : Mâtin!, je n’ai plus vingt ans…



Sur la plage, un homme marchait seul, sa main tenait devant lui une canne blanche, fidèle compagne depuis 3 ans...
 
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Réactions: Human-Fly et Gerapp38
Les poings dans ses poches crevées, il déambulait le long de la grève, dans ce petit matin évanescent, en cette heure subtile où les volutes de brume s’élèvent sur le lac, jouant avec les rayons d’un soleil deviné qui teinte de rose le ciel de cette fin d’été.
Serait-ce une référence à Ma Bohème ? Non seulement le CC de manière, repris directement de Rimbaud, mais aussi le cadre posé par la phrase toute entière (fin de l'été, observation du ciel). C'est à mon sens une bonne source d'inspiration, ce poème rentrant parfaitement dans le thème imposé.
 
Souvenirs, souvenirs...
J'ai lu ça il ya plus d'un demi siècle... Ne me suis plus intéressé à autre chose que la littérature de hall de gare, riche aussi parfois, quoique...
Quelques bribes me reviennent parfois... J'aurais dû faire gaffe à l'accord des temps, boiteux parfois...
Juste pour me prouver que je ne suis pas encore gâteux.