Il avait surtout l'image d'un raconteur de guerres (l'indochine, etc.) et par association avec les titres de ses livres (les mercenaires, les centurions
) un côté un brin douteux.
Mais pour moi, c'est l'écrivain, pas immense mais bien loin d'être nul et d'être vide, des "Baladins de la Margeride". Il était de vers chez moi, y était longtemps revenu et ce bouquin (les baladins de la Margeride) fleurait la nostalgie à plein nez. Ce n'est pas un grand bouquin mais un de ces bouquins dont j'ai gardé, sans la moindre honte, le goût. D'ailleurs, j'ai commencé à le relire tout à l'heure. J'en suis vers le milieu, la partie où on retrouve le Lartéguy qui parle des correspondants de guerre. Mais je sais que je vais bientôt retrouver Timothée et sa barrique de vin et tout le village autour et que j'y retrouverai le goût d'un monde perdu qui n'a jamais vraiment existé mais qui est pourtant un souvenir partagé.
Dans ce bouquin, il parle un peu de son oncle :
"C'était un évèque sans diocèse. On lui avait donné du violet parce qu'il passait pour fort savant, qu'il connaissait le grec, l'hébreu, l'araméen et quelque peu l'arabe. Il avait découvert, dans les vieux manuscrits qu'il compulsait, suffisamment de contradictions pour le rendre sceptique, agnostique, et tolérant, sauf à l'égard de quelques savants de la même discipline avec lesquels il poursuivait d'interminables querelles que le temps et l'éloignement ne faisait que renforcer."
Je le soupçonnerai presque (mais je peux me tromper : je ne le connaissais pas du tout sinon de vue) d'avoir voulu faire son autoportrait dans cette phrase sans avoir l'air d'y toucher : son oncle était réellement spécialiste des langues du moyen-orient et sa version de la bible (il avait assuré toute la traduction) est une référence et les notes pleines de cette tolérance dont parle Lartéguy.
Je ne suis pas du tout sûr que nous ayons partagé beaucoup d'idées (je n'ai même pas cherché à le savoir d'ailleurs) mais je sais en le lisant que nous avons partagé des paysages et l'humain qui va avec et que les Baladins de la Margeride continueront à me parler. Certains diront que c'est de la complaisance régionaliste mais l'universel est aussi au coin du feu.