Ça fait un moment que je n'ai pu venir sur le forum : il y a plein de sujets qui appellent réponse.
D'abord le Projet Voltaire
Le test repose sur des pièges bien connus et la réussite ne permet absolument pas d'évaluer une compétence en règles simples ou règles complexes. Il mélange lexique (homophones lexicaux différend et différent, sensé et censé) et orthographe dite grammaticale (homophones grammaticaux ou et où). Les problèmes orthographiques se cristallisent souvent sur les phénomènes d'accord et la morphologie verbale : espérons que les exercices du projet prennent en compte ces dimensions. Dans le test, je me souviens juste du choix entre infinitif et participe des verbes en -er (encore un pb d'homophonie, comme si l'orthographe se réduisait à ça).
Les rectifications orthographiques de 1990 ne semblent pas prises en compte : pas d'exemple significatif hormis l'écriture des nombres (non rectifiée) dans le test, mais des traces de sa non application dans les textes de présentation (circonflexes sur les i) : il a fallu presque 20 ans pour que les programmes scolaires fassent mention de ces rectifications, combien de temps faudra-t-il pour qu'elles soient prises en compte plus largement ? :hein:
Le projet me semble en effet destiné à des adultes soucieux de mise à niveau en autonomie, dans les entreprises ou pourquoi pas les IUFM (mais on est supposé y enseigner l'orthographe rectifiée, puisqu'elle est la référence des programmes scolaires).
Le film Entre les murs
Je suis sortie de la salle très en colère.
Du point de vue cinématographique, je reconnais que certains choix sont forts et pertinents : le cadrage hyper serré pour rendre palpable l'enfermement (en plus du filmage "entre les murs"), voire la promiscuité (elle est petite, la salle de classe, imaginons-la avec caméra et équipe en plus), les choix de plongée/contre-plongée, certains cadres insistant sur la solitude (la mère et Souleyman à la sortie du conseil de discipline).
Mais je reste gênée par le propos délibérément ambigu : mi-documentaire, mi-fiction, confusion entre réel (le romancier scénariste acteur et témoin, personnes-personnages-acteurs) et fiction (resserrement des évènements dans le temps et dans l'espace, écriture des dialogues).
Que veulent Cantet et Bégaudeau ? Dresser des couronnes aux profs héroïques qui vont dans la cage aux lions tous les matins ? Faire pleurer sur les pauv' 'tit' nados que personne ne comprend ? Démontrer qu'enseigner "là", c'est des perles aux pourceaux ? Montrer la guerre quotidienne qui se joue dans une salle de classe ? Faire un anti-manuel de pédagogie pour les IUFM moribonds (tu supprimes les IUFM, tu remplaces par quelques films comme celui-ci, Etre et avoir, l'excellent Récréations de Claire Simon et quelques nanars genre Les sous-doués ou Le maitre d'école) ?
De la réponse découle un choix de genre cinématographique et ce qui me dérange est que ce film ne choisit pas. Sans doute pour susciter le débat. Ça, c'est réussi.
Décidément, même en ayant vu aussi le film au sens d'oeuvre de cinéma (si si), je n'arrive pas à décolérer. Mais je suis une sale pédago, pas vrai ?
La menace actuelle
Mais, chers collègues, la menace est globale, elle touche tous les niveaux de l'Ecole, et aussi l'aménagement du territoire : suppression de postes = fermetures de classes = désertification scolaire dans certaines campagnes. Fermeture des IUFM = suppression de certains pôles universitaires dans certains départements éloignés des universités. Là où je travaille, c'est les deux. Le recours aux listes complémentaires est arrêté depuis quelques jours, et les remplacements en maternelle ne sont plus assurés. Certaines classes de petite section devront se passer de maitresse pour le reste de l'année. On met donc les enfants dans les autres classes dont l'effectif dépasse 35. Ce n'est plus de l'école, c'est de la garderie : n'est-ce pas un projet délibéré ? Le ministre lui même n'a-t-il pas parlé de changer les couches ?
Après le démantèlement de la justice, celui de la santé, celui de l'armée, c'est au tour de l'école. Je n'entends pas beaucoup les élus locaux, pour qui l'enjeu d'aménagement du territoire est pourtant grand, donner de la voix... :siffle:
Et pour finir, un spécial pour Pim, à propos de Brighelli
Tu as des lectures que je ne partage pas. Je ne juge pas. Mais quant à penser que lire Brighelli te ferait mal voir de tes supérieurs, j'en doute : tu es au contraire dans la ligne ministérielle, puisque Brighelli est conseiller au ministère. Il représente pour moi ce que j'appelle les pleureuses rétrogrades, les nostalgiques du "c'était mieux avant", de l'école des années 50, celle qui ne scolarisait que les élites.
La société a changé, ses demandes envers l'école aussi. Certaines mentalités, elles, n'ont pas changé, et ce sont elles qui sont du côté du manche en ce moment.
Bon, j'en ai fini.
Mes excuses à Pascal si je fais partir le sujet en vrille.
Je suis prête pour la volée de bois vert.
Je suis une pédago, j'assume et j'en suis fière.
:zen:
D'abord le Projet Voltaire
Le test repose sur des pièges bien connus et la réussite ne permet absolument pas d'évaluer une compétence en règles simples ou règles complexes. Il mélange lexique (homophones lexicaux différend et différent, sensé et censé) et orthographe dite grammaticale (homophones grammaticaux ou et où). Les problèmes orthographiques se cristallisent souvent sur les phénomènes d'accord et la morphologie verbale : espérons que les exercices du projet prennent en compte ces dimensions. Dans le test, je me souviens juste du choix entre infinitif et participe des verbes en -er (encore un pb d'homophonie, comme si l'orthographe se réduisait à ça).
Les rectifications orthographiques de 1990 ne semblent pas prises en compte : pas d'exemple significatif hormis l'écriture des nombres (non rectifiée) dans le test, mais des traces de sa non application dans les textes de présentation (circonflexes sur les i) : il a fallu presque 20 ans pour que les programmes scolaires fassent mention de ces rectifications, combien de temps faudra-t-il pour qu'elles soient prises en compte plus largement ? :hein:
Le projet me semble en effet destiné à des adultes soucieux de mise à niveau en autonomie, dans les entreprises ou pourquoi pas les IUFM (mais on est supposé y enseigner l'orthographe rectifiée, puisqu'elle est la référence des programmes scolaires).
Le film Entre les murs
Je suis sortie de la salle très en colère.
Du point de vue cinématographique, je reconnais que certains choix sont forts et pertinents : le cadrage hyper serré pour rendre palpable l'enfermement (en plus du filmage "entre les murs"), voire la promiscuité (elle est petite, la salle de classe, imaginons-la avec caméra et équipe en plus), les choix de plongée/contre-plongée, certains cadres insistant sur la solitude (la mère et Souleyman à la sortie du conseil de discipline).
Mais je reste gênée par le propos délibérément ambigu : mi-documentaire, mi-fiction, confusion entre réel (le romancier scénariste acteur et témoin, personnes-personnages-acteurs) et fiction (resserrement des évènements dans le temps et dans l'espace, écriture des dialogues).
Que veulent Cantet et Bégaudeau ? Dresser des couronnes aux profs héroïques qui vont dans la cage aux lions tous les matins ? Faire pleurer sur les pauv' 'tit' nados que personne ne comprend ? Démontrer qu'enseigner "là", c'est des perles aux pourceaux ? Montrer la guerre quotidienne qui se joue dans une salle de classe ? Faire un anti-manuel de pédagogie pour les IUFM moribonds (tu supprimes les IUFM, tu remplaces par quelques films comme celui-ci, Etre et avoir, l'excellent Récréations de Claire Simon et quelques nanars genre Les sous-doués ou Le maitre d'école) ?
De la réponse découle un choix de genre cinématographique et ce qui me dérange est que ce film ne choisit pas. Sans doute pour susciter le débat. Ça, c'est réussi.
Décidément, même en ayant vu aussi le film au sens d'oeuvre de cinéma (si si), je n'arrive pas à décolérer. Mais je suis une sale pédago, pas vrai ?
La menace actuelle
Mais, chers collègues, la menace est globale, elle touche tous les niveaux de l'Ecole, et aussi l'aménagement du territoire : suppression de postes = fermetures de classes = désertification scolaire dans certaines campagnes. Fermeture des IUFM = suppression de certains pôles universitaires dans certains départements éloignés des universités. Là où je travaille, c'est les deux. Le recours aux listes complémentaires est arrêté depuis quelques jours, et les remplacements en maternelle ne sont plus assurés. Certaines classes de petite section devront se passer de maitresse pour le reste de l'année. On met donc les enfants dans les autres classes dont l'effectif dépasse 35. Ce n'est plus de l'école, c'est de la garderie : n'est-ce pas un projet délibéré ? Le ministre lui même n'a-t-il pas parlé de changer les couches ?
Après le démantèlement de la justice, celui de la santé, celui de l'armée, c'est au tour de l'école. Je n'entends pas beaucoup les élus locaux, pour qui l'enjeu d'aménagement du territoire est pourtant grand, donner de la voix... :siffle:
Et pour finir, un spécial pour Pim, à propos de Brighelli
Tu as des lectures que je ne partage pas. Je ne juge pas. Mais quant à penser que lire Brighelli te ferait mal voir de tes supérieurs, j'en doute : tu es au contraire dans la ligne ministérielle, puisque Brighelli est conseiller au ministère. Il représente pour moi ce que j'appelle les pleureuses rétrogrades, les nostalgiques du "c'était mieux avant", de l'école des années 50, celle qui ne scolarisait que les élites.
La société a changé, ses demandes envers l'école aussi. Certaines mentalités, elles, n'ont pas changé, et ce sont elles qui sont du côté du manche en ce moment.
Bon, j'en ai fini.
Mes excuses à Pascal si je fais partir le sujet en vrille.
Je suis prête pour la volée de bois vert.
Je suis une pédago, j'assume et j'en suis fière.
:zen: