Vos poèmes préférés

L'anneau se met à l'annulaire
Après le baiser des aveux
Ce que nos lèvres murmurèrent
Est dans l'anneau des annulaires
Mets des roses dans tes cheveux

Guillaume Apollinaire, Alcools.

J'ai choisi celui-là parce que je ne pouvais pas publier le recueil tout entier et parce que que Jean Marais le dit dans le Peau d'âne de Jacques Demy. ;)
 
Une fois par ans
à paris
dans les bacs j' paraîs
j' paris que mes paroles parues, perturbent, paralysent tes parents .
 
Sur le collier du chien que tu laisses au mois d'août
Sur la vulgarité de tes concours de pets
Sur l'étendard nazi et sur le drapeau rouge
Sur la rosette au coin du vieillard officiel
Sur les blousons kaki, sur les képis dorés
Sur le cul blanc des féministes
Sur le mandrin des misogynes
Sur le béret obtus des chauvins aveuglés
Sur la croix des cathos, le croa des athées
Sur tous les bulletins et toutes les urnes
Où les crétins votants vont se faire entuber
Sur l'espoir en la gauche
Sur la gourmette en or de mon coiffeur de droite
Sur la couenne des connes aplaties sur les plages
Sur l'asphalte encombrée de cercueils à roulettes
Sur les flancs blancs d'acier des bombes à neutrons
Que tu offres à prix d'or sur tes impôts forcés
Sur la sébile humiliante et dérisoire
Qu'il faut tendre pourtant à tous les carrefours pour aider à
freiner l'ardeur des métastases
Sur le mur de la honte et sur les barbelés
Sur les fronts dégarnis des commémorateurs
Pleurant au cimetière qu'ils ont eux mêmes empli
Sur le petit écran qui bave encore plus blanc
Sur l'encéphalogramme éternellement plat
Des musclés, des miss France et des rockers d'enfer
Sur l'étendard vainqueur de la médiocrité
Qui flotte sur les ondes hélas abandonnées
Aux moins méritants des handicapés mentaux
Sur la Bible et sur Mein Kampf
Sur le Coran frénétique
Sur le missel des marxistes
Sur les choux fleurs en trop balancés aux ordures
Quand les enfants d'Afrique écartelés de faim
Savent que tu t'empiffres à mourir éclaté
Sur le nuage
Sur la lune
Sur le soleil atomique
Sur le cahier d'école de mes enfants irradiés
j'écris ton nom

HOMME




Pierre Desproges
 
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Morbihan

Ce qui fut fait à ceux des miens,
Qui fut exigé de leurs mains,
Du dos cassé, des reins vrillés,

Vieille à trente ans, morte à vingt ans,
Quand le regard avait pour âge
L'âge qu'on a pour vivre clair,

Ce qui fut fait à ceux des miens,
Pas de terre assez pour manger
Pas de temps assez pour chanter

Et c'est la terre ou c'est la mer,


Le travail qui n'est pas pour soi,
La maison qui n'est pas pour toi,
Quatorze pour les rassembler,
L'armistice pour les pleurer,
L'alcool vendu pour les calmer.

Un peu d'amour pour commencer,
Quelques années pour s'étonner,
Quelques années pour supporter.

Je ne peux pas le pardonner.

Eugène GUILLEVIC - Sphère 1963
 
L'étranger

-- Qui aimes-tu le mieux, homme énigmatique, dis? ton père, ta mère, ta s½ur ou ton frère?
-- Je n'ai ni père, ni mère, ni soeur, ni frère.
-- Tes amis?
-- Vous vous servez là d'une parole dont le sens m'est resté jusqu'à ce jour inconnu.
-- Ta patrie?
-- J'ignore sous quelle latitude elle est située.
-- La beauté?
-- Je l'aimerais volontiers, déesse et immortelle.
-- L'or?
-- Je le hais comme vous haïssez Dieu.
-- Eh! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger?
-- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... là-bas... les merveilleux nuages!

Baudelaire, petits poèmes en prose.
 
:love:

Baise m'encor, rebaise moy et baise :

Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise.

Las, te pleins tu ? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de I'autre à notre aise.

Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.

Permets m'Amour penser quelque folie :

Tousjours suis mal, vivant discrettement,
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.

Louise Labbé, Sonnet, 1546
 
La Môme Néant

(Voix de marionnette, voix de fausset, aigüe, cassée, cassante, caquetante, édentée.)


Quoi qu'a dit ?
-- A dit rin.

Quoi qu'a fait ?
-- A fait rin.

A quoi qu'a pense ?
-- A pense à rin.

Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?

-- A'xiste pas.



Jean Tardieu. "monsieur monsieur"
 
Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

A. Rimbaud
 
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Réactions: rezba
Tout cela qui sent l'homme ...

Tout cela qui sent l'homme à mourir me convie,
En ce qui est hideux je cherche mon confort :
Fuyez de moi, plaisirs, heurs, espérance et vie,
Venez, maux et malheurs et désespoir et mort !

Je cherche les déserts, les roches égarées,
Les forêts sans chemin, les chênes périssants,
Mais je hais les forêts de leurs feuilles parées,
Les séjours fréquentés, les chemins blanchissants.

Quel plaisir c'est de voir les vieilles haridelles
De qui les os mourants percent les vieilles peaux :
Je meurs des oiseaux gais volants à tire d'ailes,
Des courses de poulains et des sauts de chevreaux !

Heureux quand je rencontre une tête séchée,
Un massacre de cerf, quand j'oy les cris des faons ;
Mais mon âme se meurt de dépit asséchée,
Voyant la biche folle aux sauts de ses enfants.

J'aime à voir de beautés la branche déchargée,
À fouler le feuillage étendu par l'effort
D'automne, sans espoir leur couleur orangée
Me donne pour plaisir l'image de la mort.

Un éternel horreur, une nuit éternelle
M'empêche de fuir et de sortir dehors
Que de l'air courroucé une guerre cruelle
Ainsi comme l'esprit, m'emprisonne le corps !

Jamais le clair soleil ne rayonne ma tête,
Que le ciel impiteux me refuse son oeil,
S'il pleut qu'avec la pluie il crève de tempête,
Avare du beau temps et jaloux du soleil.

Mon être soit hiver et les saisons troublées,
De mes afflictions se sente l'univers,
Et l'oubli ôte encore à mes peines doublées
L'usage de mon luth et celui de mes vers.

Agrippa d'Aubigné ....
 
tres fort j. tardieu . mais prends ça :

SUBA N ' EST PLUS..............

Suba n' est plus, Nare Magan Konate s' en est allé.........


"Etranger à l' aube,
Il était le soir
Le maître du pays .
Sun Jata a vécu .

Chasseur forcené,
Conquérant irréductible,
Suba n' est plus .

Que le chien prenne au sérieux
L' os qui a résister à l' hyène !
Nare Magan Konate s' en est allé .
Pour longue que soit la route,
Elle conduit toujours
En un lieu habité
Sun Jata n' est plus .

Chien de grenier ne connaît
Ni étranger ni autochtone,
Il ne sait que mordre .
Suba a vécu.........."

Nare Magan Konate repose dans le pays qu' arrose le Sankarani.............et les maîtres de la parole ont tant souffert...........

La litanie montant lentement, sans vigueur; anbandonnée par la parole, elle se perdit dans le vague .

"Sun Jata,
Tu es le lion à l' arc .
Sun Jata.........."


Antilope stylisée,
Bambara, Mali
 
Dormir que dormir.
Je ne mérite pas de souffrir
Et pourtant, je n'arrête pas.
Je voudrais tant mourir,
Pour oublier tout ça
Mais mon âme tourmentée
Ne pourra jamais oublier
Toute cette mélancolie
Ressentie en une seule nuit
La douleur me poursuit
Où que j'aille elle est là
Le jour et la nuit
Elle ne me quitte pas
Aurais-je la force un jour de choisir,
De pouvoir être bien
De ne plus souffrir
De me lever le matin
Sans vouloir mourir,
De vivre pleinement ma journée,
Sans douter une seule fois de ma présence
Dans ce monde incompréhensible
Que de malheur et de souffrances
Jusqu'a ce que je me décide
De m'ouvir les poignets
Pour voir défiler ma vie
Voir couler ce sang,
Remplit de douleur
Et enfin partir
Rentrer dans ce monde
Sans lumière,
Sans souffrances
Que du noir.
Ne plus rien ressentir.
 
Le ciel si pâle et les arbres si grêles
Semblent sourire à nos costumes clairs
Qui vont flottant légers, avec des airs
De nonchalance et des mouvements d'ailes.

Et le vent doux ride l'humble bassin,
Et la lueur du soleil qu'atténue
L'ombre des bas tilleuls de l'avenue
Nous parvient bleue et mourante à dessein.

Trompeurs exquis et coquettes charmantes,
C½urs tendres, mais affranchis du serment,
Nous devisons délicieusement,
Et les amants lutinent les amantes,

De qui la main imperceptible sait
Parfois donner un soufflet, qu'on échange
Contre un baiser sur l'extrême phalange
Du petit doigt, et comme la chose est

Immensément excessive et farouche,
On est puni par un regard très sec,
Lequel contraste, au demeurant, avec
La moue assez clémente de la bouche.

Paul Verlaine, Fêtes galantes.

P.S. : idem que pour Apollinaire. Le recueil est court, mais pas assez pour le publier tout entier. ;)
 
je l'ai déjà posté dans un autre fil, mais comme ça reste de la poésie, je ne résiste pas à l'envie de vous en faire de nouveau profiter ....


"Cher ami,
Je suis toute émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute désintéressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver. Puisque votre
âme est libre, pensez que l'abandon ou je
vis est bien long, bien dur et souvent bien
insupportable. Mon chagrin est trop
gros. Accourrez bien vite et venez me le
faire oublier. À vous je veux me sou-
mettre entièrement.
Votre poupée

afin que vous puissiez voir l'étendue de mes sentiments, lisez une ligne sur deux..."


Georges Sand
 
Qu'il me baise des baisers de sa bouche! Car ton amour vaut mieux que le vin,
Tes parfums ont une odeur suave; Ton nom est un parfum qui se répand; C'est pourquoi les jeunes filles t'aiment.
Entraîne-moi après toi! Nous courrons! Le roi m'introduit dans ses appartements... Nous nous égaierons, nous nous réjouirons à cause de toi; Nous célébrerons ton amour plus que le vin. C'est avec raison que l'on t'aime.
Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem, Comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon.
Ne prenez pas garde à mon teint noir: C'est le soleil qui m'a brûlée. Les fils de ma mère se sont irrités contre moi, Ils m'ont faite gardienne des vignes. Ma vigne, à moi, je ne l'ai pas gardée.
Dis-moi, ô toi que mon coeur aime, Où tu fais paître tes brebis, Où tu les fais reposer à midi; Car pourquoi serais-je comme une égarée Près des troupeaux de tes compagnons? -
Si tu ne le sais pas, ô la plus belle des femmes, Sors sur les traces des brebis, Et fais paître tes chevreaux Près des demeures des bergers. -
A ma jument qu'on attelle aux chars de Pharaon Je te compare, ô mon amie
Tes joues sont belles au milieu des colliers, Ton cou est beau au milieu des rangées de perles.
Nous te ferons des colliers d'or, Avec des points d'argent. -
Tandis que le roi est dans son entourage, Mon nard exhale son parfum.
Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe, Qui repose entre mes seins.
Mon bien-aimé est pour moi une grappe de troëne Des vignes d'En-Guédi. -
Que tu es belle, mon amie, que tu es belle! Tes yeux sont des colombes. -
Que tu es beau, mon bien-aimé, que tu es aimable! Notre lit, c'est la verdure. -
Les solives de nos maisons sont des cèdres, Nos lambris sont des cyprès.

Salomon, Cantique des cantiques, I, 2-17.
 
eh voila , ce qui devait arriver ... arrrive . Ca fait 2 jours que je lis de la poésie ( cause du fil !!! ) . Je savais que j'aimais la poesie , mais je n'avais jamais été " en conditions " pour m'y attacher ... c'est chose faite ...
Je passerais donc par ici de temps en temps ...

pour déposer insidieusement
devant vos yeux fatigués
Quelques vers chantant
de poetes trop souvent négligés ....................................... :zen:


http://ramou.net/iphp/DocPoeme.php?enr=28&lang=Sino&min=0 ... les caractéres chinois n'ont pas suivis le copier/coller ... donc lien :o
 
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Annabel Lee


It was many and many a year ago,
In a kingdom by the sea,
That a maiden there lived whom you may know
By the name of ANNABEL LEE;
And this maiden she lived with no other thought
Than to love and be loved by me.

I was a child and she was a child,
In this kingdom by the sea;
But we loved with a love that was more than love-
I and my Annabel Lee;
With a love that the winged seraphs of heaven
Coveted her and me.

And this was the reason that, long ago,
In this kingdom by the sea,
A wind blew out of a cloud, chilling
My beautiful Annabel Lee;
So that her highborn kinsman came
And bore her away from me,
To shut her up in a sepulchre
In this kingdom by the sea.

The angels, not half so happy in heaven,
Went envying her and me-
Yes!- that was the reason (as all men know,
In this kingdom by the sea)
That the wind came out of the cloud by night,
Chilling and killing my Annabel Lee.

But our love it was stronger by far than the love
Of those who were older than we-
Of many far wiser than we-
And neither the angels in heaven above,
Nor the demons down under the sea,
Can ever dissever my soul from the soul
Of the beautiful Annabel Lee.

For the moon never beams without bringing me dreams
Of the beautiful Annabel Lee;
And the stars never rise but I feel the bright eyes
Of the beautiful Annabel Lee;
And so, all the night-tide, I lie down by the side
Of my darling- my darling- my life and my bride,
In the sepulchre there by the sea,
In her tomb by the sounding sea.

Edgar Allan Poe
 
ALLÉGEANCE​

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l'aima ?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. À son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus ; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas ?

(René Char)