Grèce : il détruit 500 000 Euros avant de se donner la mort.
L'événement en soit n'a rien d'extraordinaire, mais il se télescope avec l'actualité : pendant ce temps-là, comme le rappelle l'article, le taux de suicide explose dans le même pays parce que la crise et la politique de la troïka y ont acculé des dizaines de milliers de personnes à désespérer de l'avenir… Dans un tel contexte, qu'est-ce qui doit être prioritaire : faire preuve de générosité et distribuer l'argent dont on ne veut plus, ou manifester de manière spectaculaire son mépris d'un monde où le fric est la valeur dominante et décide qui doit vivre ou pas ?
Aurait-il fait preuve de bonté en distribuant son argent plutôt qu'en le détruisant, ou ne se serait-il acheté à ce prix qu'une parcelle dérisoire de bonne conscience hypocrite et stérile ?
Je pense à ce passage du
Journal de Gombrowicz où, se promenant sur une plage, il aperçoit un petit scarabée renversé sur le dos et luttant en vain pour se redresser. Gombrowicz le remet sur ses pattes et le sauve. Puis en aperçoit un autre, qu'il secourt de la même manière, puis encore d'autres… Il se sent contraint de les sauver eux aussi, puisqu'il l'a fait pour les autres. Mais arrive ce qui devait arriver. L'épuisement du sens moral devant l'énormité, poussée jusqu'à l'absurde, de la tâche.
Il n'y avait pas que cette plage : toute la côte à perte de vue fourmillait de scarabées. Le moment allait venir où je me dirais : 'ça suffit' et il y aurait un premier petit scarabée à n'être pas secouru. 'C'est celui-ci', et je le sauvais, incapable de me contraindre à cet arbitrage terrible et presque abject. Car pourquoi celui-ci ? Pourquoi lui justement ? Et soudain le mécanisme s'enraya, facilement je coupai court à ma compassion, je m'arrêtai. 'Eh bien rentrons', pensai-je indifférent. Et le scarabée, celui devant lequel j'avais cessé d'intervenir, resta là à agiter ses petites pattes ».