Chroniques de l'escalier.

  • Créateur du sujet Créateur du sujet PonkHead
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Quand je vais chez elle, je ne prend plus l'ascenseur. Un étage c'est court (non, je ne me rend pas chez le podologue) et la machine m'amène décidément trop rapidement devant cette porte filmée. Le coeur n'a pas le temps de battre au bon rythme, les tremblements de s'estomper, le souffle de se poser. Les escaliers tournent et mon regard se perd alors suffisamment sur ce mur qui défile pour me concentrer sur l'axe de cette rotation qui finalement se retrouve être moi.
Il a tout de même un inconvénient cet escalier. Pourquoi n'ont-ils pas mis d'interrupteur à l'entrée du couloir qui y mène ? Tous ces matins à se taper un sprint de la porte au bas des marches pour atteindre le bouton avant que le battant ne se referme brusquement et me laisse alors dans cette obscurité si angoissante. Je me pose la question alors que je sais que finalement il est à l'image de l'endroit où je me rend : peur du noir qui nous envahit et course contre la montre pour atteindre la lumière.
Non, je n'y croise personne dans ces escaliers. Ils m'amènent, me ramènent...toujours dans cette course solitaire. Et je l'ai choisi ainsi.
 
l'escalier est en bois. un bois blond et dur.
il semble interminable.

l'immeuble possède 7 étages.
il y a 54 occupants l'été et 72, l'hiver.

quand je prend l'escalier: je compte les marches.
ce n'est pas une manie ou un dérangement inopinée de ma personne, je suis sain d'esprit, mais une recommandation écrite du syndic.
et je reste poli et mesuré quand à cette recommandation, car le mot compter était écrit en rouge.

chaque étage possède 30 marches.
il y a 7 étages, dont 2 avec 20 marches. une histoire de hauteur de plafond.
cela fait, au total, 190 marches.

j'habite au 5 ème étage.
ma porte se trouve à droite de l'escalier.
le palier est assez vaste avec des vitraux.
mon unique voisine, madame A. dont la porte se trouve à gauche de l'escalier a eu l'idée de mettre un yucca sur le palier. j'aurais mis autre chose. car un yucca, cela n'a pas de présence, c'est capricieux et fragile.
en fait, je n'aurai rien mis.
après tout, c'est une partie commune.

pour arriver chez moi, il faut compter 150 marches.
avec l'expérience, on s'aperçoit qu'il est plus facile de compter les marches en montant qu'en descendant.
quand je descend l'escalier, il m'arrive de sauter une ou deux marches par inadvertance ou volontairement.
et pour quelqu'un qui compte en même temps, cela peut générer de grandes sources d'erreurs.
donc, parfois, et parfois souvent, je suis obligé de remonter jusqu'à mon étage pour avoir un compte juste.
cette règle n'est pas dans la recommandation écrite du syndic, mais la simple manifestation d'un esprit juste et rigoureux; méthodique et ordonné.

dans un escalier, on croise ses voisins.
et il est toujours délicat d'en rencontrer quand vous revenez des courses, les bras chargés et l'esprit concentré à compter les marches.

il y a trois jours, je croise madame B.
elle habite au 2 ème étage et passe son temps au cinéma.
pour rentrer chez elle madame B. doit compter 60 marches.

elle fait souvent irruption, à l'improviste, dans l'escalier. mais en fait, c'est calculé.
je me suis arrêté à la marche numéro 58, quand sa pâle silhouette me domina de deux marches.
la marche 58 a ce défaut de légèrement grincer et de légèrement tanguer.

madame B. me parle des films qu'elle a vu et me demande ceux que j'ai vu. en pure perte car je ne vais jamais au cinéma.
je le lui dis à chaque fois.

ce jour là, j'ai dû recommencer par deux fois mon comptage.
je suis arrivé en retard à mon travail.

au 7 ème étage, il y a un jeune homme qui ne sort jamais de chez lui. du moins, on ne le voit jamais.
c'est un écrivain.
et c'est le seul occupant de l'immeuble à ne pas compter les marches.
il l'a écrit en rouge sur la recommandation du syndic à la première personne du singulier.
le comptage le distrait de sa concentration et le détourne de son unique but qui est l'écriture.
il pense que le syndic ferait mieux d'installer un ascenseur.
c'est un écrivain pragmatique.

ces derniers temps, je suis arrivé trois fois en retard à mon travail.
toujours ce problème de comptage, de rencontres inopinées, de perte de concentration, de préoccupations diverses.

j'ai fini par recevoir une lettre où il était écrit en rouge que je n'avais plus de travail.

du jour au lendemain, je me suis retrouvé à la rue... ou plutôt dans mon escalier.
car depuis, je dors dans la cage d'escalier de mon ancien immeuble.

et j'ai définitivement arrêté de compter les marches.
 
Il est des escaliers surprenants.

Dans la pente qui monte au Château de Lahore (Pakistan), on a bâti un escalier pour éléphants. La hauteur des marches est d'environ 1,50 m !
 
chaque étage possède 90 marches.
il y a 7 étages, dont 2 avec 70 marches.
une histoire de hauteur de plafond.

Si l'on prend la hauteur courante de 15 cm de hauteur de marche cela nous fait 13,50 m par étage. Et 10,5 m pour ceux qui ont une volée d'escalier à 70 marches.
C'est pas trop dur à chauffer une telle hauteur sous plafond ?


pour arriver chez moi, il faut compter 540 marches.

Alors là je suis plus les calculs moi ou quoi... 5 volées d'escaliers de 90 marches çà fait 450 marches normalement. Le 5ème étage étant par conséquent situé à 67,50 m de hauteur (toujours avec une hauteur de marche de 15 cm).

j'ai fini par recevoir une lettre où il était écrit en rouge que je n'avais plus de travail.
Si c'était pour un boulot de comptable, évidemment je crois qu'ils ont sauté sur l'occasion des retards pour te licencier.

Bon c'est une maison spéciale.

Désolé mais j'ai "l'esprit d'escalier".
 
Si l'on prend la hauteur courante de 15 cm de hauteur de marche cela nous fait 13,50 m par étage. Et 10,5 m pour ceux qui ont une volée d'escalier à 70 marches.
C'est pas trop dur à chauffer une telle hauteur sous plafond ?




Alors là je suis plus les calculs moi ou quoi... 5 volées d'escaliers de 90 marches çà fait 450 marches normalement. Le 5ème étage étant par conséquent situé à 67,50 m de hauteur (toujours avec une hauteur de marche de 15 cm).


Si c'était pour un boulot de comptable, évidemment je crois qu'ils ont sauté sur l'occasion des retards pour te licencier.

Bon c'est une maison spéciale.

Désolé mais j'ai "l'esprit d'escalier".

j'ai modifié le nombre de marches.
je n'ai jamais compté le nombre de marches de mon escalier...
;) :D
 
Si l'on prend la hauteur courante de 15 cm de hauteur de marche cela nous fait 13,50 m par étage. Et 10,5 m pour ceux qui ont une volée d'escalier à 70 marches.
C'est pas trop dur à chauffer une telle hauteur sous plafond ?

Bon c'est une maison spéciale.

Désolé mais j'ai "l'esprit d'escalier".

en fait, c'est le palais de sadarnapale.;)

edit: l'esprit d’escalier est "une expression qui signifie que l’on pense souvent à ce que l’on aurait pu et dû dire de plus juste, mais seulement après avoir quitté ses interlocuteurs; l’inspiration nous vient en descendant l’escalier de la tribune."
 
Un escalier en ville.

C'est plus qu'un simple objet qui sert à franchir un dénivelé.
C'est un motif.
C'est un meuble.
C'est une architecture.
Ca nous raconte une, des histoires.

Escaliers pompeux ou ridicules des théâtres du XIXème siècle, je vous ai toujours vu avec vos punks-à-chiens assis sur vos marches avec leurs packs de bière, toisant la foule qui passe quelques décimètres plus bas sur le trottoir. C'est fou ce que les êtres humains ont besoin de créer des limites, des territoires. Votre première marche, que dis-je, la simple ligne qui différencie la première contremarche du trottoir sépare ainsi deux mondes qui feignent de s'ignorer.

Escaliers généreux qui regardez le soleil, au-delà des toits de la ville. Combien avons-nous été à prendre la chaleur, assis sur vos marches ? Et pour certains ou certaines à y faire une rencontre qui restera inoubliable ?

Escaliers froids, gueules grises de béton qui vomissez chaque jour votre cargaison de productifs émergeant de dessous la terre, s'empressant de gagner leurs bureaux pour la journée de labeur qui les attend.

Escaliers canailles des vieux quartiers, escarpés, se découvrant au détour de la rue, et où l'on s'attendrait à croiser Nini-Peau-de-Chien ou Irma-la-Douce faisant claquer ses talons sur votre petit pavé luisant d'un soir de crachin, et réajustant leurs bas sous la lumière forcément blafarde de lampadaires en fonte.

Escaliers médiévaux, cousins des poternes et des traboules, on se croit un petit page sorti d'un roman de chevalerie en s'essoufflant dans vos montées parfois interminables.
 
Chez moi, treize marches... ça porte malheur peut-être... l'architecte aurait pu y penser... cela dit, si ce con là avait mis quelque soin dans la conception de l'escalier, ça se saurait... Les huit premières font pas de bruit quand je monte... la neuvième craque un peu, la dixième craque grave... ( c'est une qui est montée à l'envers, c't'un peu compliqué à expliquer mais bon... )
Après ça va...

Par contre, ce qui fait de cette volée de marche l'escalier de la destinée, c'est que trois fois sur quatre, il faut éviter avec élégance la neuvième, pour cause de chat avachi dessus qui n'hésite pas à planter une griffe dans la chaussette au passage ( ben oui, il est désoeuvré... )

Mais bon, ça se descend en moins de quatre secondes quand le téléphone sonne :)

La prochaine fois, je vous raconterai l'escalier de chez ma copine :)
 
sisyphe.jpg



Il existe des escaliers aux marches fugueuses.
Des escaliers, particuliers, aux marches espiègles.
Des escaliers plus qu'étonnants qui marchent à l'envers.
Des escaliers sur lesquels on s'embrasse, sur lesquels on glisse.
Des escaliers qui marchent du côté clair et parfois aussi du côté obscur.
Des escaliers aux mains si courantes qu'il faut presser le pas pour les attraper.
Des escaliers qui avancent à sens ou bien à contresens, avec ou sans contremarches.
Des escaliers aux marches inusables qui, soudain, fatigués, s'arrêtent pourtant de grimper.
Des escaliers comme le chemin d'Alice s'effaçant avec le temps et renaissant dans un lent mouvement.
Il existe des escaliers portant également le monde, aussi bien l'âge que la jeunesse, les estropiés que les valides.
Ces escaliers sont des sisyphes huilés, bien que chaînés et enchaînés ils restent pourtant aimables et plein de bonté d'âme.
Ils sont plus forts que des escaliers de pierre, plus forts que des escaliers de bois mais ils crient parfois sous le poids de nos âmes à porter.
 
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Réactions: Lila
Il fallait bien que quelqu'un la sorte, sinon MacGé ne serait plus ce qu'il est...

"A nos chevaux,
Nos escaliers,
Nos femmes,

Et ceux qui les montent !"​

On me l'a toujours décrite comme la phrase rituelle lorsque on porte un toast dans la Cavalerie. Mais si quelqu'un a des précisions...
 
Ah… si on le demande, je peux répondre ;)

En fait, c'est un ban traditionnel qui n'est pas tout à fait comme ça ;)

L'original tel que les cavalos (tas de fiottes !!! :p) me l'ont appris est :

A nos femmes, à nos chevaux,
aux perrons de nos châteaux,
A ceux qui les montent avec ou sans éperons,
Et par Saint Georges, vive la cavalerie !


;)
 
...on dit que les escaliers sont le produit d'une formule mathématique bien précise pour une aisance d'usage et une intégration parfaite à l'ensemble architectural....

...:rolleyes: :mouais: ....j'habite une de ces vieilles maisons de village....
...ben le mathématicien local devait être salement bourré ce jour de l'an 1700 et des poussières ....
...pour utiliser cet ouvrage d'art, il faut avoir une jambe plus courte que l'autre ...alternativement...
....ainsi que chausser du 37 d'un côté et du 43 de l'autre ......alternativement aussi.....
....et pour bien faire, les nez de marche sont en bois d'arbre authentique et d'époque ....donc ne jamais y marcher pieds nus ....sous peine de recolter quelques cure-dents en guise d'échardes...
J'ai eu la curiosité (malsaine) d'aller voir en dessous comment s'était fait .......et là je dois bien dire que je crois dorénavant aux miracles....certainement l'influence divine du sanctuaire d'une sainte à proximité...:zen:

Mais j'y ai trouvé quand même un avantage à cet escalier....quand ma belle-mère vient ....je change l'ampoule qui éclaire la descente.....un 20 W tamisée convient très bien ...
:love:
 
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Réactions: WebOliver et kisbizz
...il y a chez moi un second escalier qui permet d'accéder à l'étage (heureusement sinon ça serait la cave...mais de celui-là je vous parlerai plus tard ....)...

...comme le premier, seuls des calculs à base d'eau de vie frelatée peuvent expliquer ce résultat surprenant.
Il a cependant un caractère bien à lui ......car c'est un savant mélange de moderne et d'ancien .....quand je dis moderne, c'est que le mathématicien comtemporain qui l'a concu était aussi bourré que son illustre prédecesseur....mais lui au pastis "51 je t'aime"... "refrain provençal traditionnel connu)...
Donc cela donne les 4 premières marches dans un style néo post moderne mal fait d'une largeur normale cependant ....et puis d'un coup (d'un seul) on passe (en levant la jambe très haut) à la marche suivante rescapée de l'ancienne construction ...sauf que la largeur convenable se réduit de moitié, laissant l'option entre se fracturer la hanche droite sur l'arrête du mur ou se charcuter le flanc gauche sur le mur en pierres apparantes..... du coup absorbé par ce terrible dilemme on en oubli la hauteur sous plafond car cet étroit escalier se découpe dans le plancher de l'étage du dessus....

Je résume donc, fracture de la hanche droite ou lacérations diverses et profondes des chaires molles à gauche et commotion cérébrale ou sclap (au choix selon la vitsse de montée..)

Cet escalier présente cependant quelques avantages :
1- cest le seul qui permette de monter à l'étage des "parents" ...donc les gosses en ont eu peur pendant tout le temps où ils étaient trop petits pour y monter (ah oui ...il n'y a pas de garde corps..) :D ....résultats ....les parents pouvaient à loisir jouir (oh ouiiii) d'une tranquilité bien méritée...
- 2 cela permet à ma femme de garder la ligne car tout écart de poids (et de largeur), toute culotte de cheval est proscrite sous peine de dormir en bas avec les enfants ou le chat...
- 3 j'invite souvent ma belle-mère à venir prendre le thé le soir avec nous à l'étage

...j'adore cette maison !!!

Ps : demain je vous parles des escaliers de la cave
 
109 marches.
109 instants de réflexion.
Ai-je vraiment envie de rentrer à la maison ce soir?
Ai-je vraiment envie de passer cette porte qui ouvre sur une quotidien dont je ne fais déjà presque plus partie?
109 marches pour y penser.
Le pallier pour ne pas décider.
Un temps
Une clé
J'ouvre
C'est reparti pour un soir
Jusqu'à demain.
109 marches...
 
100 marches quand je rentre surchargé,
80 marches en passant par l'arrière,
50 marches en les montant deux par deux (parce que je ne sais pas faire autrement)
35 marches en les montants trois par trois (parce que ça réchauffe)

100 planches de vieux bois patinées par le temps,
Quelques milliers de tommettes entières ou fissurées pour rappeler que nous sommes dans le sud....

5 paliers avec la magasin, la sympathique proprio, sa fille, sa petite fille, son arrière petite fille, sa bru, bref un immeuble très familiale ! :p
 
J'ai monté un escalier quatre à quatre,
les mains dans les poches la tête en l'air,
j'ai pas compté les marches.

J'ai pas pensé à reprendre mon souffle,
J'ai finit les derniers mètres en apnée,
Je me suis écroulée sur le dernier palier ...

Ma tête s'est hurtée à une dure réalité,
J'ai glissé, lentement au début, une à une les marches,
puis tout s'est accéléré, j'ai dégringolé.

Je sais toujours pas combien de marche a cet escalier,
Je m'en fous, je suis sans force en boule sur le perron,
avec un panneau "attention au paillasson".

On m'a depuis transféré de trottoir et donné une canne
Et je suis devant un autre escalier ...
Mais le coeur n'y est plus, j'ai plus envie de d'escalader.

J'vais peut être me mettre à compter les marches.
Vu le temps que je passe à regarder mes pieds.
A les guider pour entreprendre la montée de cet escalier.
 
son corps a été happé par le ciel.
l'escalier mécanique défile dans le vide d'une béance.
inconscient, je m'approche du désastre.
 
Ce putain d'escalier.

Je ne connaissais pas trop ce quartier de Paris : l'avenue Mozart, tu penses, ce n'était pas vraiment le genre d'endroit où nous trainions, avec les potes. Freddy jouait de la batterie dans un groupe brésilien "chez Félix", rue Mouffetard, qui est devenu depuis la mort de Félix un magasin de sapes, Jean Claude rêvait d'ouvrir son cabinet de kiné mais sans savoir où, et jean Luc nous baladait dans sa vieille R16, déjà has been depuis longtemps à l'époque. Avenue Mozart il n'y avait, et surement toujours, rien à y voir, ou a y faire. Nos nuits se passaient là où ca bougeait à l'époque, le Palace, les Bains. Le genre d'endroit où la sortie, pour reprendre Lavilliers est un choc : "c'est déjà demain". Crochés au bar dans la nuit du Sunset, ou du "Pacific Pallissades" à l'ombre de Beaubourg, nous attendions l'avenir.

Ce soir là, je l'ai pris pour la première fois, ce putain d'escalier. Avenue Mozart, j'imaginais une grande montée toute de tapis rouge vêtue, avec la rampe dorée qui brille même dans le noir, et le son des pas feutré, feutré, feutré. Non. Ce n'était pas celui là : c'était celui des "petites gens". Celui qui permet aux nantis de ne pas croiser le personnel. Enfin, qui permettait, il y a deux siècles. Celui planqué par une porte qu'il fallait connaitre.

Cet escalier était, lui, large comme les épaules, et la peinture écaillée traçait des cartes en beige et blanc. Des cartes de ce monde qui t'a un jour happée et fait que nos vies se sont éloignées. Il y a si longtemps. Tu habitais une toute petite chambre, sous le zinc, et de la fenêtre je découvrais un nouveau Paris, inconnu. Mais dès le jour tombé, au retour d'un vernissage ou d'un ciné, ce Paris là bruissait des mêmes bruits, des mêmes odeurs que l'autre, mon Paris. L'escalier menait à un couloir, long, triste. A peu près au milieu, il y avait ta porte. C'est ce soir là, juste grâce au dernier métro, que tout a commencé.

Pendant des mois, cet escalier fut le chemin qui me menait à toi. J'observais le monde des taches changer, la planète se modifier au fil des plaques de peintures qui tombaient au sol. Mais au final tu étais toujours là, toute de cuir, avec ces longs cheveux blonds qui traçaient sur la peau le chemin que je suivais pour te sentir. Et puis un jour tu es partie de l'autre côté de l'atlantique. Pas de remords, pas de regrets d'un côté comme de l'autre : nous avions vécu notre histoire et la jeunesse acceptait, de part et d'autre, que la vie est longue et que tant de choses sont à découvrir qu'il était trop tôt pour souffrir d'une séparation.

Des années plus tard, alors que je vivais dans une ile, tu as repris contact avec moi. Alors que les grenouilles hurlaient sous la lune ronde, j'ai lu tes mots, à nouveau. Ces mots qui me plaisaient tant. Ces mots qui m'avaient fait monter jour après jour ces marches pour te retrouver. La carte du monde était devenue bien plus réelle, et c'était à moi d'être loin.

J'ignore ce que tu es devenue. Probablement as tu des enfants, un mari. Peut-être non. As tu ouvert cette galerie d'Art dont tu rêvais ? As-tu, comme beaucoup d'entre nous, oublié tes rêves en cours de route ? Tu sais, malgré toutes ces années, malgré le temps et l'espace, je n'ai jamais oublié cet escalier.