Je rebondis sur une illustration du Big dans une autre discussion.
J'en ris, jaune mais j'en ris.
Au delà, pure coïncidence, elle résonne avec ma lecture actuelle.
Le dernier bouquin de Tarantino, "Cinéma Speculations", où le réalisateur parle de chacun des films qu'il considère comme marquant dans l'histoire des salles obscures. On ne lira pas ce livre pour la beauté de la prose de Tarantino, je vous le garantis. Ça reste un document. Peut être même uniquement réservé aux cinéphiles.
Pas plus tard qu'hier, je lisais le chapitre consacré à "Délivrance" de Boorman, sorti en 1972.
Si vous ne l'avez jamais vu : l'histoire de quatre citadins partis faire du canyoning dans les Appalaches.
Point commun avec l'illustration ? J'y arrive.
Voilà que deux personnages de cette équipée, Ed et Bobby, sont pris à parti par deux autochtones particulièrement crasseux et bas de plafond. Ceci débouchant sur le viol de Bobby.
Bobby est le plus balourd du groupe, il n'a pas l'aisance des trois autres, il redouble d'effort pour être à leur niveau et, pour finir, il doit supporter les moqueries (franchement dégueulasses) du plus macho du groupe. Il en chie depuis le début, quoi.
Ce week-end de détente sportive pouvait-il être pire ?
Oui.
C'est la scène insupportable du film.
D'autant plus insupportable que le crasseux salopard ne se contente pas de sodomiser Bobby. Il pousse l'humiliation jusqu'à lui intimer l'ordre de couiner comme une truie, comme pour le forcer à dire qu'en plus il aime ça.
L'analyse de Tarantino est intéressante. Il dit avoir été horrifié par cette scène, non pas à cause de la sodomie mais à cause de la violence des deux crasseux, du réalisme de cette violence et de la totale gratuité de cette violence. Il avait 10 ans quand il a vu le film (on se demande bien pourquoi des parents emmènent leur gosse de 10 ans voir un tel film - et on se demande comment on peut laisser entrer un gosse de 10 ans pour une telle séance). De son propre aveu, le concept même de sodomie lui était inconnu. Il n'a pas compris à l'époque que le kiki du monsieur était rentré dans le cucul de Bobby. Ce n'est donc pas ça qui l'a horrifié.
C'est là où je dis que son analyse est intéressante.
Elle établit que chacun perçoit les évènements du haut de sa propre expérience à l'instant t.
J'ignorais que l'on puisse ne pas avoir été choqué spécifiquement par le passage du viol dans cette longue scène. Mais moi j'étais plus vieux que lui, certes adolescent mais plus vieux, quand j'ai vu ce film (à une époque, la fin des années 80, où ce film pouvait passer en première partie de soirée sur une chaine à grande écoute). Tout m'a marqué dans cette scène (elle reste gravée dans ma mémoire), mais c'est bien le viol qui m'a le plus horrifié (ceci étant peut être lié au fait que dans l'inconscient collectif masculin il n'y a pas pire humiliation que de subir une sodomie non consenti).
J'ai revu ce film. Ça reste un bon film.
Mais punaise, puisque je sais ce qu'il va se passer, c'est dès le début du film que je suis mal à l'aise.
Et, pour finir, franchement, tu peux toujours courir pour que me vienne l'envie d'aller faire du canyoning dans les Appalaches.