Merci, voici le sujet suivant.
Thème : à la frontière entre le rêve et la réalité.
Mots :
Évanescent
Septentrional
Éther
Burgauté
Mâtin (et non matin)
Date de fin :
Le 6 juillet, à minuit.
Un tour dans l’au-delà
Il semblait au Poète qu’il marchait depuis des heures dans cette sylve obscure et humide, sans faire le moindre bruit sur la mousse qui revêtait le chemin à peine visible à la maigre lueur de sa lanterne, quand soudain il arriva à l’orée de la forêt. Il faisait encore nuit, mais ses yeux étaient habitués à la pénombre, et le spectacle qu’il découvrit là le saisit. Il s’engageait dans une vaste lande couverte d’une brume épaisse jusqu’à hauteur de sa ceinture ; de cette brume dépassaient les contours évanescents de pierres milliaires disposées régulièrement et semblant conduire à un portail isolé situé quelques lieues plus loin. Le plus merveilleux est qu’en cette nuit sans lune, il voyait tout cela grâce à la lumière de l’infinité d’étoiles visibles dans le ciel noir : on eut dit un dôme d’ébène sur lequel on aurait burgauté les étoiles, les constellations, la Voie lactée et tous les orbes que la Divine Providence avait placés dans l’éther.
D’un simple geste, la silhouette de l’Ombre qui fut son Maître et qui glissait dans la brume comme le reflet d’une âme, lui indiqua leur destination ; l’étoile polaire lui montra que cette destination était la partie la plus septentrionale de la plaine. Le Poète reprit sa marche ; il n’aurait su dire précisément sur combien de lieues il avait suivi son guide fidèle, qui avançait avec assurance, comme s’il connaissait chaque fil de la trame du songe où ils se mouvaient.
Devant eux se dressa la porte de l’Enfer qu’il avait aperçue dès leur sortie de la forêt ; les piédroits de granite, hauts de deux toises, étaient surmontés d’un linteau sur lequel on pouvait lire une longue épigraphe se terminant par les mots : « vous qui entrez, laissez toute espérance ». La porte n’ouvrait pas sur des champs de flammes, mais sur une lande silencieuse, baignée par la même brume basse comme collée au sol.
Trois têtes de molosses surgirent de la brume, simultanément. Cerbère les regardait. Ses têtes ne grognaient pas, elles semblaient plutôt émettre une plainte, non de tristesse, mais d’impatience. Son regard devait sonder l’âme de tout arrivant, flairant en chacun les traces de ses vices et de ses vertus. Tout aussi rapidement qu’il s’était dressé devant eux, le mâtin se recoucha, disparaissant dans la strate de brume, indifférent à leur entrée apparemment autorisée par les plus Hautes Instances. Le Poète en fut rassuré mais ne put empêcher son cœur de se serrer à la pensée de l’effroyable endroit où il avait pénétré.
"Tu ne rêves pas," murmura l’Ombre qui était son Guide en devinant son émoi, "mais tu n’es pas éveillé non plus. Tu flottes sur le seuil entre deux mondes, la plus dangereuse des frontières. Ce lieu se nourrit de ceux qui hésitent."
Rêve ou réalité, le Poète savait qu’il ne pouvait renoncer maintenant. Il tourna la tête vers l’Ombre qui fut Virgile, qui s’était arrêté, un léger sourire au coin des lèvres, et qui ajouta : "Le plus grand enfer est parfois celui que l’on construit en refusant d’ouvrir les yeux durant sa vie terrestre."
Et à ces mots, Dante prit conscience de l’enjeu : son périple ne faisait que commencer, il aurait beaucoup à apprendre du sort de ceux qu’il rencontrerait, et il devrait transformer cela en enseignements pour l’édification de ses contemporains et de leurs descendants…