Bonjour, je suis le gars qui a démarré le projet Xgrid@stanford. Je comprends que certains veuillent plus de détails sur ce qu'on va faire de leur CPU, alors je vais essayer d'aller ici un peu plus loin que " le récepteur beta 2 adrénergique est un truc qui a partie liée avec le traitement des maladies cardio-vasculaires" ;-)
On devrait aussi bientôt mettre sur le site une desciption du (des) projet(s). En ce moment, c'est un compromis entre faire le boulot, et s'occuper du site web... Mais je me rends bien compte que pour avoir plus d'ordis, il faut un peu motiver et expliquer.
Pour commencer, je vous suggère de regarder les diapos de ma présentation récente à la WWDC d'Apple:
http://cmgm.stanford.edu/~cparnot/xgrid-stanford/downloads/WWDC-final.mov
Ensuite, de lire la suite tout en revenant sur les diapos si nécessaire.
Le labo de Brian Kobilka travaille sur les récepteurs adrenergiques, qui régule le rythme cardiaque. Les récepteurs beta adrénergiques sont par exemple la cible des "beta bloquants", une famille de médicaments prescrits pour l'hypertension (demandez autour de vous dans les plus de 40-50 ans, je suis sur que qq'un en prend!).
On les étudie ici sous différents angles, qui vont de leur physiologie à leur structure.
La physiologie par exemple, est étudiée en utilisant des souris transgéniques, pour lesquelles un ou plusieurs récepteurs adrénergiques ont été inactivés. Ca permet de se poser plein de questions du style: qu'est-ce qui se passe quand le récepteur beta2 adrénergique est absent? et donc de savoir à quoi il sert...
Dans le projet qui m'intéresse, on regarde plutôt les aspects structuraux, en se focalisant sur le récepteur beta2 adrénergique. Pour ceux qui ne le savent pas, une protéine (comme par exemple le récepteur beta2) adopte dans la cellule une conformation tridimensionelle très précise. Cette structure est fondamentale pour le fonctionnement correct de la protéine. Dans le cas du beta2, on ne sait pas grand chose, à part que le récepteur est dans la membrane (juste à la frontière de la cellule) et que la chaine d'acides aminés qui le compose traverse 7 fois la membrane (un chiffre magique, non?).
Il est normalement dèjà difficile de connaitre la structure 3D d'une protéine. Il faut faire des cristaux. Mais dans le cas du beta2, c'est pratiquement mission impossible, en tout cas ca fait pas loin de 15 ans que les gens essayent. Mais même avec un cristal, on n'a pas encore répondu à une autre question toute aussi importante...
Avant de formuler cette question, revenons sur le rôle du récepteur beta2. Il reconnait l'adrénaline. C'est pour ça que ça s'appelle un récepteur. L'adrénaline (le ligand) arrive à l'EXTERIEUR de la cellule, se fixe sur le récepteur à la membrane, QQ CHOSE se passe, et la cellule s'active à l'INTERIEUR... La question est donc: quel est ce qq chose? on sait que l'adrénaline reste à l'extérieur, donc ce n'est pas elle qui fait le boulot dans la cellule.
Une réponse simple est: la structure du beta2 est modifiée par le ligand ce qui transmet le signal. Mais on aimerait bien aller au-delà de cette quasi-lapalissade. L'approche choisie ne permet pas de déterminer exactement QUELS changement ont lieu sur le plan moléculaire/3D, mais de répondre aux questions: en combien d'étapes? à quelle vitesse?
Voici ce qu'on pense sur le mécanisme (et beaucoup d'équipes pensent la même chose mais personne ne connait vraiment les détails). Le récepteur passe par une série d 'états' ou 'conformations'. Le passage d'un état à l'autre est une 'transition'. On veut donc savoir: combien d'états? vitesses des transitions?
De telles informations seraient très utiles pour le dévelopement de médicaments. Chaque étape/état/conformation peut avoir des effets cellulaires différents et on sait que des ligands peuvent stabiliser l'un ou l'autre état, donc des molécules reconnaissant un état spécifique pourrait avoir des effets thérapeutiques originaux et très ciblés. Ce n'est pas notre labo qui va fabriquer ces médicaments, bien sur. Ce n'est pas notre boulot. Mais nous utilisons les molécules existantes pour explorer ces possibilités. Pour les gens désireux d'en savoir plus, voir la référence: Swaminath et al, J Biol Chem. 2004 Jan 2;279(1):686-91 (URL:
http://tinyurl.com/4rshk).
De plus, ce qui est intéressant avec ce projet, c'est qu'il s'encadre dans un dynamique scientifique plus large, au sein du labo, qui n'est pas que de la structure mais qui inclut de la 'vraie' physiologie. Comme expliqué plus haut, le labo de brian Kobilka explore ces deux aspects en parallèle. De par sa qualité de M.D., Brian a aussi des contacts directs avec le monde de la clinique. Donc, les recherches faites dans le labo ont une orientation très clairement vers la physiolgie et la pathologie.
Finalement, une chose que je n'ai pas dite mais qui est aussi très importante, c'est que le récepteur fait partie d'une vaste famille de récepteurs, appelés récepteurs couplés aux protéines G. Comme le beta2, ils traversent tous 7 fois la membrane, et leur structure génrale est similaire. Il y en a chez l'homme plusieurs centaines. Par exemple, la rhodopsine tapisse votre oeil et détecte... la lumière! Mais aussi, tous les récepteurs pour les odeurs. Et des hormones, comme la PTH ou la TSH. Et des neurotransmetteurs, comme la dopamine ou la sérotonine (l'adrénaline, on en a parlé). etc... etc... Ils sont partout!! De plus, au moins la moitié des médicaments actuels ou en dévelopment ciblent des récepteurs de cette famille. En bref: si on comprend qq chose sur le beta2, ça a de bonnes chances de s'appliquer pour d'autres récepteurs.
Avec tout ça, je ne vous ai encore pas dit comment on répond aux questions posées... Le récepteur est isolé, purifié et marqué avec un fluorophore. Il est donc fluorescent. Ce qui est chouette, c'est que quand il change de conformation, la fluorescence change, car l'environnement du fluorophore est modifié. Donc, on peut suivre en direct les transitions sur une population de récepteurs, après avoir ajouté l'adrénaline ou une molécule qqconque.
On a plusieurs modèles en tête que nous testons à l'heure actuelle. C'est assez simple: le modèle a plusieurs paramètres (luminosité des états, vitesses de transitions); on peut simuler le signal obtenu pour des valeurs des paramètres données; on peut donc aussi fitter les données expérimentales en laissant l'ordi modifier les paramètres et chercher le meilleur fit.
C'est le fitting qui s'est avéré pas si simple. La procédure normale est que l'expérimentateur essaye de 'deviner' les valuers des paramètres pour être assez près de la solution optimale, pour que l'algorithme ne se perde pas en route ou ne s'arrète pas sur un optimum local, très loin de la vraie solution. Le problème est qu'il y a beaucoup de paramètres pour les modèles un peu compliqués que nous essayons de fitter. Donc c'est difficile de démarrer avec de bonnes valeurs pour les paramètres. La solution que nous avons adopté est de scanner l'espace des paramètres de manière exhaustive... d'où le temps de calcul!
Voilà! Est-ce suffisant??? Probablement pas ;-) Posez des questions, si vous le voulez...
A ceux qui se connectent sur le cluster, merci de votre aide en tout cas! Suivez bien les instructions. Et n'oubliez pas de m'envoyer un email si vous vous connectez, en indiquant le nom de la machine, et en option, le type de machine, où vous avez entendu parler du projet, et d'où vous êtes (pour la carte du monde bientôt sur le site...).
merci d'avoir lu jusque là,
charles