- Flonflon !
- Mouflon !
- Téflon !
- T’es con, Téflon c’est une marque pas un nom ! T’as perdu !
- Regarde dans le dico !
Le visage
chafouin, elle referma vivement le Larrousse.
- Bon, ça va, c’est bon. Alors bufflon !
- Pff ! Bufflonne, je veux bien mais pas bufflon! Bouffonne ! De toute façon, j’en ai marre de ce jeu ! Allez, on va à la ducasse ?
-T ’as des sous ?
- Un peu, et toi ?
- Un peu aussi.
La place de la ville sentait la saucisse grillée, la bière et la barbe à papa. Les forains s’étaient installés là depuis deux jours, amenant avec eux leur lot de musiques, de lumières et des manèges étincelants. Des lamas broutaient dans un coin, assaillis par une horde de mômes qui n’osaient trop s’approcher.
Cathy dit à son cousin : ils ont la trouille de se faire cracher dessus !
- Ça doit être dégueulasse ! On attend pour voir si un s’ en prend une giclée ?
- Non, viens, on va prendre une pomme d’amour ?
- OK, tu payes, puisque tu as proposé !
Ils déambulaient parmi les stands, la pomme au bout d’un bâton et regardaient les enfants faisant la queue aux manèges. Eux les toisaient du haut de leurs quatorze ans, jamais ils n’iraient dans ces attractions pour bébés.
- Tiens, ça c’est pour nous, lui dit-il en avisant le tir à la carabine, viens, tu vas voir !
D’un geste sûr, il cassa le canon, mis un plomb et tira dans le carton. Le bruit du projectile claqua au fond de la boite laissant un trou net dans le rouge de la cible.
- Fais-en autant, si tu peux !
- Je ne tire pas sur des trucs qui ne bougent pas ! Et elle se dirigea vers une sorte de cage où voletaient des ballons de toutes les couleurs… En moins d’une minute et quatre plombs plus tard, les cinq ballons n’étaient plus que des lambeaux.
- T’as vu : deux d’un coup !
- Et moi, tout dans le rouge ! Monsieur, qu’est-ce qu’on a gagné ?
- Où sont vos parents ?
- Au travail.
- Vos scores sont honorables mais il faudrait les faire plusieurs fois. Vous avez encore de quoi ?
Posément, Cathy mis le dernier plomb qu’il lui restait dans la carabine.
-J e crois que vous essayez de nous rouler ?
- Ça va, foutez moi le camp !
- Pas sans nos gains... Et elle referma la carabine d’un coup sec. Le doigt sur la détente, elle attendait.
- Alors ?
Il aperçu du coin de l’oeil deux gendarmes en tournée qui se dirigeaient vers son stand.
- Messieurs ! La gamine me menace !
- Alors mademoiselle ?
Cathy raconta son histoire. Le gendarme regarda le tenancier, puis la cage à ballons et les baudruches crevées, la cible encore dans sa boite, jaugea d’un œil expert le carton troué.
- Donnez leur ce qu’ils ont gagné ! Je repasserai tous les jours et peut-être resterais-je assis sur ce banc avec mon collègue pour reposer nos jambes ?
L’homme du stand tendit deux des gros lots aux enfants…
- Et, toi Cathy, ne menace plus jamais des gens avec une arme, dit le gendarme.
- Oui, papa ! Et elle parti en courant avec son cousin, tous deux étaient hilares en voyant la mine déconfite du forain.
- Je mets tout dans l’estafette ?
- Oui vas-y et ne rentre pas trop tard à la maison !
Riants encore de ce bon tour, ils continuaient leur visite, s’arrêtant de ci de là…
- On fait un tour dans les chenilles, ou le train fantôme ?
- Les chenilles, c’est plus près !
Ils faisaient la queue quand Cathy poussa un cri.
- Qu’est ce t’as ?
- Le chien, là bas vient de flairer sous la robe !
- Et alors ?
- J’ai pas de culotte !
- Si ta mère sait ça tu vas te faire engueuler !
- Tu ne lui diras pas ?
- D’accord mais je te donne un gage ! Viens derrière la roulotte de la voyante…
La
chiromancienne circulait avec une roulotte à l’ancienne mode dont seul le timon d’attelage dénonçait la nature moderne aussi sûrement que le camping car garé devant avec la même décoration.
-Lève ta robe ! Pas derrière, devant ! Toi aussi tu as des poils ?
Cathy virait au rouge écarlate à deux doigts de pleurer.
- Regarde, j’en ai plus que toi, lui dit-il en baissant son jean.
Elle ravala ses pleurs, osa un sourire :
- C’est tout petit !