Amie.
J'aimerais t'être utile en quelquechose.
Alléger un peu le poids qui tu dois ressentir, d'une manière ou d'une autre.
Mais je sais bien que c'est impossible.
J'aimerais bien te dire à quel point je trouve injuste ce qui t'arrive, ce qui t'est toujours arrivé...
J'aimerais te dire à quel point Dieu, s'il existe, ferait bien de pas trop la ramener si jamais je le croise. Car j'aurais deux mots à lui dire à ton sujet.
J'aimerais te dire à quel point je t'admire d'avoir tenu comme ça, sans jamais rien lâcher, alors qu'à ta place je n'aurais certainement pas dépassé l'âge de 17 ou 18 ans.
J'aimerais te dire que quand je me sens triste je pense à toi et je me dis que je ferais bien de laisser mes petits soucis de coté, quand d'autres, comme toi, continuent à garder le sourire.
On t'a vendue comme esclave (oui, j'ai découvert avec ton histoire que ces pratiques existaient encore en France, au XXe siècle), on t'a fait dormir avec les animaux, tu as vécu à la rue, travaillé sans relâche, plus de 15 heures par jours, vécu dans ta voiture avec un enfant de 6 mois, élevé un autre, seule, et travaillé, travaillé, sans cesse, jusqu'à arriver ou tu es, à la seule force de ta volonté.
A ta place je me serais allongé sur des rails de train depuis longtemps.
la liste de tes épreuves est si longue, sans compter ce que j'ignore.
Enfin tu es chez toi, avec tes enfants, dans le confort que tout le monde estime minimum , mais qui pour toi est un luxe inestimable. Enfin tu t'es trouvé un homme digne de confiance, qui t'aime et te respecte.
Et ce salaud de docteur qui t'annonce que dans six mois, sans doute moins, tout ça sera fini.
Parce que tu l'as, ce mal du siècle qui frappe au hasard, sans vaccin, sans remède ou si peu...
Toi...
Toi qui mériterais tant de profiter enfin de ce que tu as obtenu.
Je ne suis pas censé savoir que tu vas partir.
je n'arrive pas à y croire, d'ailleurs, quand je te vois rire avec nous, projeter d'adopter un chat peut être, et réaménager la chambre du petit, et acheter ça, et...
Je ne suis pas censé savoir et je ferai semblant jusqu'au bout.
Mais en moi-même, quand j'ai envie de me plaindre parce que mes amours, mes amis, mes emmerdes.... Je pense à toi.
Et je me dis qu'il faudrait peut être relativiser, parce que si je regarde autour de moi, je suis un putain d'enfant gâté en comparaison.
Ca je ne te le dirai jamais... Mais bordel qu'est-ce que je peux le penser.
Et je penserai à toi longtemps, longtemps après...
Tu vas me manquer.
Et en relisant ça, avant d'appuyer sur "envoyer la réponse", je pense d'un seul coup à de sinistres abrutis qui bassinent le monde avec leurs "problèmes", leurs "choix cornéliens" qui consistent en : acheter un ordinateur ou un appareil photo, rénover leur maison ou acheter une nouvelle voiture, et j'ai très envie d'une chose : en avoir juste un en face de moi et lui faire comprendre ce que "problème" signifie. Et on sera encore loin du compte.