Je me souviens.
La première fois que cette ville est devenue une évidence, c'était au fin fond du Sahara. La nuit était tombée depuis un moment déjà et, le cul cassé des cailloux perdus dans le sable sur lequel j'étais assis, écoutant le vacarme assourdissant du silence, j'avais pensé "c'est bon, je suis dans le désert des déserts, maintenant je dois voir la ville des villes".
C'était il y a très longtemps. Mes bottes m'ont depuis porté dans des tas d'endroits, plus ou moins proches de cette image fantasmée. Je me souviens de ce jour, à Niagara, où j'avais hésité à traverser le pont. 4 heures de route, rien : la Ford avec le plein fait, juste une formalité, un saut au dessus des chutes. Et puis, non.
Je ne verrais jamais les deux tours qui griffent le ciel, elles sont tombées depuis: la vie est un rendez-vous manqué.
Je ne sais pas pourquoi : il fallait du temps. Du temps pour quoi ? N'ai-je pas trop attendu ? Aujourd'hui, si j'ai gardé des yeux d'enfant sur les mirages de cette destination, mon corps, mon esprit ne sont plus ceux d'il y a 20 ans : je suis plus calme, plus posé. Je m'émerveille moins, je suis plus attentif qu'admiratif. Bien, mal ? je ne sais pas. Posé.
Voilà, c'est fait. A travers les années, le rendez-vous. Maintenant, il faut que je m'en trouve d'autres, et d'autres mythes. Mais ceux là, je vais essayer de ne pas les vivre, juste pour le rêve.
Une chose est certaine : comme un virus, j'ai moi aussi la maladie de ces rues grouillantes, des taxis jaunes qui sont les maîtres des lieux. Depuis le retour, je comprends le manque de ceux qui m'en parlaient avant.
Je retournerais à New York. Et dans le Sahara : la boucle est complète. Du haut de la dune, je pourrais maintenant, en regardant les aiguilles de ma montre, imaginer ce qui se passe a l'exact opposé. Et cela va probablement me rendre plus heureux, juste parce que ce que j'imagine ne sera pas loin de la réalité. En tout cas, de la mienne.