Dans son petit bureau du 149e étage, l'odeur d'ammoniaque émanant des ozalides tirés à longueur de journée ne gênait pas Calvin. Quand ses "collègues" venaient le voir, ils se mettaient tous à pleurer et à tousser et cela le faisait "sourire". Même son chien n'était pas incommodé. Il lui donna un sucre machinalement. Il était rêveur en ce moment mais cela ne nuisait en rien à son travail répétitif et ingrat. Il attendait qu'Elle vienne, comme tous les jours à la même heure, lui donner des tirages à faire. C'était devenu sa récréation quotidienne. Elle était la seule à le traiter comme quelqu'un de "normal" et, curieusement, cela lui faisait du bien. Ces sentiments étaient nouveaux pour lui et il essayait de s'adapter à cette découverte. L'amour aussi était une chose inconnue pour lui et le chemin à parcourir pouvait être encore long s'il ne se décidait pas à lui avouer ce qu'il ressentait pour Elle. Ce jour-là, quand elle repartit après lui avoir adressé un sourire, il sut qu'il ne pourrait pas fournir son quota de travail quotidien. Il fallait qu'il lui parle à tout prix. Il la rattrapa dans le couloir menant aux ascenseurs et, la prenant délicatement par le bras, lui déclara tout de go : "Mademoiselle, je me doute que cela va vous paraître étrange, sinon ridicule, mais je vous aime. J'ai attendu trop longtemps et il fallait que je vous le dise". Elle le regarda, stupéfaite, puis eut un sourire triste. "Mon cher Calvin, je suis très touchée par ce que vous me dites. C'est vrai que je vous aime bien mais, sincèrement, pensez-vous qu'une humaine comme moi puisse avoir la moindre relation avec un androïde ?"
L'autodestruction volontaire de Calvin, incompréhensible au demeurant, fut le premier et unique cas enregistré sur Terra3. Les chercheurs en robotique associés au projet "Calvin" décidèrent, d'un commun accord, de supprimer la "puce d'émotivité" sur les modèles suivants.