supplément chantilly
Dimanche 17 août, le soleil rit sous cape et fait grimper le mercure, planqué derrière les nuages. Ces derniers, malicieux, versent un peu de leur eau. Progressivement les citadins sont portés à ébullition. Je me terre sous un toit plus zingué que le comptoir du rade au nom tellement commun que tout le monde l'oublie qui orne le trottoir den face. En ce moment, à part suer, je suis en train de chercher un taille-crayon, le crayon nécessiteux entre les dents et un téléphone douloureusement coincé entre loreille gauche et lépaule collatérale. Quel con de marketeur a décidé que plus cétait petit mieux cétait ? Je balance un compte fil, reliquat dune autre vie, et met enfin la main sur le taille-crayon. Vainqueur, je le tiens
à bout de bras. Je peut enfin affûter loutil de mes notes tout en écoutant pour la 7e fois le message déposé sur mon répondeur. Dégoûtée, je laisse tomber crayon, taille-crayon carnet et télép
merde, pas le téléphone.
Je connais le message par cur.
Décidément, il fait trop chaud. Je fais glisser mes vêtements par terre et pose les pieds sur le grès jaunis du réceptacle de douche. Jaccroche ma montre à la vis qui servait à maintenir, sans doute, une armoire de salle de bain. Bien en vue. Jai un rendez-vous : mon premier job. Je décroche aussi le regard le plus noir que peuvent produire mes yeux verts au lycéen en train de me reluquer de la chambre de bonne en face. Le rideau, joublie toujours le rideau.
Comme sil ne faisait pas assez chaud ; le pauvre.
Mon éclat de rire se transforme en larmes quand le savon entre en contact avec mon il droit. Et cest en pestant contre le savon et mes seins qui rendent le sol glissant quand je me douche que sors de la zone de mon appartement délimitée par une surface en carrelage noir appelée « salle de bain » pour répondre aux
vibrations impétueuses de mon téléphone. Il fonctionne donc toujours.
Le rendez-vous est avancé.
Culotte, brassière, tee-shirt et paire de jeans finissent de méponger tandis que je descends en trombe le tortueux escalier devant les voisins et leurs animaux
affolés. Sans doute à causes des jeans, je ne suis pas sèche ; ce qui nest pas grave vu ce qui tombe dehors. Je regarde mon poignet et peste. Ma montre est en train de sécher au 6e sans ascenseur
tant pis.
Je chope, toujours au vol, mon imper que je fais vieillir dans lentrée et je sors enfin. Il me faut les 564 mètres qui me séparent de la première bouche de métro pour mapercevoir quil ne pleut plus et que si je suis encore trempée ce n'est pas à cause de la douche mais de la chaleur quil fait sous un imper quand le soleil est au mieux de sa forme. Je me sens comme une
salade attendant de passer à lessoreuse : encore fraîche mais plus pour longtemps. Le trajet en métro confirme cette impression.
Sortie du métro, jai le malheur de croiser du regard mon reflet dans une vitrine. Ma
carrière de détective viens de prendre un coup dans laile ; quoique, Columbo
quand on parle dimper douteux et daile cassée. Jai à peine le temps de me perdre dans mes pensées que jarrive au lieu de rendez-vous. Un café-restaurant tout ce quil y a de plus sombre. Finalement, mon apparence naura pas dimportance.
Personne au service. Un homme attend en surplombant un verre de cognac. Dans son regard croisé, je perçois le même
désir que celui de l'homme campé sur le parapet dun pont : celui de sy flanquer. Cest mon client et le patron de ce troquet, il veut que jenquête sur un concurrent ou plutôt sa carte car un détail le mine depuis bientôt trois ans. Il propose pour les desserts un supplément Chantilly à 215
personne ne sait en quoi cela consiste, personne ne la demandé. Avec un sourire triste il me donne un billet de 500 et la carte du restaurant : « les Curie ».
Javais faim, jai tout dépensé. Après un bon repas et un aller-retour je connais enfin la réponse ; le nom du restaurant est un bon indice. Je suis quand même un peu déprimée : mon client na pas attendu le résultat de mon enquête et sest noyé dans son verre.
En sortant je me dis que le jour ne va pas tarder
toutes mes excuses pour les éventuelles fautes