Histoire d'apporter ma pierre dans la gueule du débat, comme disait Val à l'époque où il traînait avec Font et était encore drôle...
Nous avons eu des réunions d'entente et d'harmonisation ces dernières semaines et j'ai été étonné de voir comment, comme souvent, les débats étaient possibles en petit groupe, mais devenaient plus inquiétants dès que le cadre institutionnel nous enfermait.
Langue de bois et langue de bois devant, discours beaucoup plus authentiques et constructifs dans un cadre informel. Il faut dire que je n'ai jamais été doué pour les discours institutionnels, en ce qui me concerne et que la peur commence à lier les langues un peu partout (disons l'inquiétude, pour être rassurant).
Pour ce qui est des notations nous avons souvent deux groupes qui se distinguent chez nous (mais qui s'harmonisent, rassurez-vous) :
- D'un côté de joyeux drilles pour qui tout va toujours merveilleusement, les élèves sont de plus en plus intelligents et éveillés et qui poussent l'herméneutique de copie jusqu'à considérer que "c'est de la balle" est une délicieuse métaphore propre à rendre le caractère transcendant d'une activité (je pousse un peu)... Pour ceux-là les élèves disent des choses fabuleuses même quand ils balancent l'idéologie qu'ils ont biberonné à la télévision et qu'ils ont lu le texte ou le sujet d'un derrière distrait...
- D'un autre côté d'affreux pisse-froid qui tiennent absolument à ce qu'une copie soit philosophique et réchigne sourdement à mettre la moyenne à un élève qui donne l'impression de sortir de classe de première sans avoir eu un seul cours de philosophie. Bref ! Des aigris qui exigent une problématique ou une tentative de soulever un problème dans la copie, qui supportent mal qu'on leur dise que Freud est un philosophe ou que Kant aurait dit que "tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien"....
Ma vision du problème est malheureusement trop complexe pour faire l'objet d'une consigne pédagogique. En même temps, elle n'est pas incompréhensible non plus. Seulement, je pousse la déformation professionnelle jusqu'à estimer qu'il faut d'abord poser un problème avant de donner des solutions. Ça fait vraiment emmerdeur. Je me contente de constater que :
1. Les élèves ne sont pas débiles, et sont la plupart du temps parfaitement capables de faire une dissertation philosophique en suivant les consignes essentielles (chercher un problème, organiser leur réflexion dans une problématique et tenter de dépasser la simple opinion).
2. Étrangement, ils se paient pourtant pour une grande partie d'entre eux des piteuses qui sont facilement, disons, à cinq-six points en dessous de ce qu'il devrait avoir s'il s'y mettait vraiment.
3. Comment expliquer un tel paradoxe ? Par un seul mot : malentendu. Les élèves, déformés par la "culture" qu'on leur impose et les méthodes d'enseignement démissionnaires ne peuvent plus comprendre ce qu'on attend d'eux. Quand ils le font, il faut que ça passe par une sorte de "déclic" qui prend souvent plus d'un an (d'où parfois d'assez bon résultats de mes redoublants). Allez expliquer par exemple à l'heure actuelle que "donner son opinion" n'est pas un sommet de liberté, mais bien souvent un acquiescement à la servitude, rien que pour voir...
Où en est-on, à l'heure actuelle en philosophie ?
Nous notons comme tout le monde ce que l'élève a
tenté de faire, et non ce qu'il a
fait. Ayant une tendance avérée à la compassion, ça ne me dérange pas toujours, mais force est d'avouer que ça finit par poser des problèmes. Les élèves, en effet, ont un flair particulièrement aiguisé pour déceler ce qui leur permettra de sauver les meubles, et ils s'adaptent de plus en plus à la médiocrité de ce qu'on leur demande. D'autant plus que l'idéologie courante est plutôt au "c'est la note qui compte" plutôt qu'à l'idée qu'on apprend pour soi ("truc de soumis" en langage de djeunz, "truc de looser", dans le langage ambiant).
Or, il faudrait à la fois prendre les élèves tels qu'ils sont (pas de raison non plus d'être LE bousilleur de moyenne par définition, ça commence à bien faire) mais en même temps faire en sorte que cette notation continue à récompenser ceux qui tentent vraiment de faire des réflexions philosophiques. Il faudrait en même temps être un peu ambitieux vis-à-vis de ce qu'on veut arriver à faire comprendre aux élèves, tout en continuant à être réalistes pour gérer la situation actuelle. Bref! Il faudrait qu'on se donne les moyens à la fois de "gérer la catastrophe" (parce que catastrophe il y a, par exemple dans le niveau d'orthographe des élèves, influencés par les modes des fautes d'orthographe volontaires qu'on connaît bien sur Internet) et se donner les moyens de former tout de même des élèves qui s'opposeront à cette catastrophe. Ca nécessite de faire remonter des problèmes à nos supérieurs, chose que plus personne ne fait puisqu'on a bien tous compris que celui qui fait remonter un problème EST un problème. Du coup ça se rengorge pour jouer au bon prof dans l'air du temps, de peur de passer pour un sale con, laissant la critique de la catastrophe aux vrais coincés du.. bulbe...
Entendre, ou lire que notre enseignement est fait "pour les plus mauvais" est à la fois vrai et révoltant.
De fait, il ne vise effectivement que les mal-comprenants (comme dirait Bedos, vous voyez, j'ai des références, décidément). C'est gentil, si on veut, mais ça laisse les autres purement et simplement de côté. Qu'est-ce que c'est que cette légende selon laquelle les "bons" seraient capables de se démerder tout seul. Personnellement j'ai largement pâti pendant ma scolarité de comprendre certaines choses plus vite que d'autres tout en ayant besoin d'explications insoutenables et inutiles pour d'autres choses (genre : "désolé, mais il faut appliquer et c'est tout, c'est pas une réponse, monsieur").
Je me suis fait ch... comme un rat mort en cours de français à devoir dire des conneries du genre : les "sifflantes, c'est pour rendre la présence des serpents". Surtout quand les cours ne sont consacrés quasi qu'À ce type de conneries. J'aurais adoré qu'on m'explique les origines des sciences et les controverses des mathématiciens de l'antiquité, mais au lieu de ça il fallait se taper l'experimentite chronique des cours de science...
L'école est bien souvent faite UNIQUEMENT pour ceux qui ne comprennent pas. Les autres s'y emmerdent et finissent par croire que ce sont eux les débiles.
On broie des gamins et on contrevient à un véritable égalitarisme qui serait de permettre à TOUS les élèves de s'épanouir. TOUS ne signifiant pas LA MAJORITÉ, mais CHACUN. Voilà l'école républicaine qu'on va bien finir par démolir.
On ne peut pas passer la scolarité entière d'un élève à lui réapprendre à écrire, voire à déchiffrer sa propre langue. Il faut le mettre en situation d'apprécier une lecture, et pour ça il faut sortir de la logique de l'audit dans laquelle on est et permettre aux vrais profs "à l'ancienne" (ceux qui ont su créer tellement de vocations déjà) de faire leurs cours comme ils l'entendent.
Maintenant pour ce qui est des concours.
Il y a un double problème :
1. Les concours sont devenus parfois les seuls lieux où l'on sélectionne encore les étudiants, ce qui fait qu'au moins on est sûr de leurs compétences. Je suis désolé de le dire, mais autant je suis très heureux d'avoir fait un DEA et j'estime que mes études valent quelque chose, autant j'ai vu des collègues d'une nullité profonde réussir à la fac (on dit cooptation quand on est poli, et autre chose quand on l'est moins)... Et je suis obligé d'avouer que j'ai vu des nuls complets sortir avec une maîtrise en ayant recopié leur mémoire sur un profil Hatier. Ce n'est pas l'intérêt des profs non plus de se priver d'élèves. L'université est bien malade.
2. Les concours fonctionnent selon une logique très inquiétante : ouverture de vannes quand on a besoin de main d'uvre, fermeture quand on n'en a plus besoin. Ce qui fait qu'avoir tel ou tel concours relève parfois d'un véritable exploit et parfois d'une quasi-formalité (si en plus on compte la disparité entre les différents concours, certains recrutant à la sortie de la licence, du moins jusqu'ici et d'autres nécessitant une formation ultrapointue..)
Il faudrait qu'on se demande ce qu'on veut offrir aux élèves. Personnellement je dirais que les compétences sont essentielles. Se donner la possibilité d'avoir un bon prof, ça demande un investissement et une liberté de prof. Ca demande autre chose que simplement former des nervis taillables et corvéables à merci, mais de vrais passionnés de leur discipline. Ce n'est pas la tendance...
Pour ce qui est de la "pédagogie", il faut se méfier de ce que ça cache. Combien de fois avons nous entendus des élèves (je dis bien des élèves) dire : lui il est bon dans sa matière, mais il est nul comme prof. Comprendre : il a des connaissances, mais il ne nous tient pas assez la main pour qu'on les biberonne. j'ai entendu ce genre de conneries jusqu'à propos de prof de fac. Quand j'étais à la fac, je considérais que c'était à moi d'écouter le prof, et pas à lui de se faire respecter, d'avoir du "charisme" et autres fariboles de ce type. Si l'élève n'est pas capable d'écouter, c'est lui le nul, pas le prof (je parle de la fac, pour le lycée, je serais un peu moins tranché).
Aujourd'hui le pédagogisme fait que certains de mes collègues (jeunes) se verraient bien faire un travail d'éducateur, voire n'animateur, plutôt que leur difficile travail de prof. L'avenir est là, et personnellement, ne veux pas de cet avenir-là.
La tendance est malheureusement à l'inversion des valeurs :
- le bon prof qui travaille ses cours, lit ses copies et tentent de progresser dans sa matière est un looser bon à plus ou moins long terme pour un burn-out (tout ça sans accepter d'heures sup' parce qu'il est déjà blindé avec ses heures sur deux ou trois établissements), tout ça dans l'indifférence générale puisque ce genre de boulot ne se VOIT pas.
- le mauvais prof qui se fait voir, corrige ses copies de façon "cool" et rapide, ne cherche même plus à apprendre quoi que ce soit sur sa matière et tente au maximum de remplacer ses cours par de l'animation, lui est bien vu, riche et en bonne santé.
Cela dit, j'aimerais bien que ma blonde, avec ses dix ans de bons et loyaux services, son DEA et ses compétences reconnues par tous ceux avec qui elle a eu a travailler soit intégrée. Ne serait-ce que parce que c'est illégal de maintenir quelqu'un en CDD autant de temps. Mais je continue à trouver que certaines personnes qui ont exigé ce passage par charrette, parfois de manière plus ou moins occulte, parce qu'ils étaient nombreux n'ont pas fait là quelque chose de très glorieux. Mais, comme dirait Kipling, "ceci est une autre histoire..."
J'écris peut-être mal, mais je sors rincé des corrections, parce que j'ai voulu faire mon boulot le mieux possible alors que j'avais d'autres problèmes à gérer à côté.
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Dans un tout autre registre...
Ma blonde a réussi à dégager des ses finances le moyen de m'offrir un iPhone. J'ai été longtemps à estimer qu'un téléphone portable c'était un outil annexe qui ne devait pas coûter très cher, mais en même temps j'étais à la fois branché à mon Mac et à mon Palm. Ajoutons à cela un iPod qui théoriquement aurait pu me servir pour écouter des podcasts, mais que j'avais trop peu souvent sur moi pour en faire cet usage honorable régulièrement. Or, depuis que je ne me tape plus 100 bornes par jour pour aller au boulot (mais ça va sans doute revenir, rassurez-vous

) j'accumule mes podcasts sur iTunes (qui m'emm... régulièrement à m'arrêter mes abonnements quand je n'écoute pas assez d'émissions).
Bref ! J'ai aujourd'hui une machine qui fait en même temps téléphone / PDA / lecteur de MP3 / terminal Internet, et j'avoue que c'est génial.
Reste un problème peu documenté : les documents justement.
J'ai eu la joie de réaliser que tout ce qui arrivait par Mail était lu (PDF. documents Numbers, Pages ... les documents CSV sont même mieux lus que sur le Mac semble-t-il... Word et Excel sont sans doute aussi lu, mais je n'ai pas encore testé ces formats diaboliques sur ma machine).
J'ai commencé à faire mumuse avec Stanza qui est d'une ergonomie et d'une joliesse redoutables pour parcourir des uvres en .epub. J'ai même trouvé le moyen de transformer des PDF en ce format avec Calibre. Manquerait par contre un truc pour annoter.
Quelqu'un aurait-il fait le tour des lecteurs de documents sur iPhone.
Pour vous donner les problèmes que me pose Stanza en ce moment :
- manque une possibilité d'annoter.
- pas de possibilité de distinguer deux bibliothèques (j'en aurais bien fait une consacrée aux uvres et une autre consacrée aux extraits, comme sur mon Mac).
Sur ce, je retourne m'occuper de mes rats (non, je ne les dissèque pas moi, je le soigne, et j'en ai un d'opéré et un d'éclopé en ce moment, décidément, c'est pas la période)... Bonjour à tout le monde...